Un vaste fourre-tout

La loi de modernisation de l’économie aborde
la question de l’entreprise solidaire sans revoir les critères de définition du secteur.

Philippe Chibani-Jacquot  • 26 juin 2008 abonné·es

Quand la loi de modernisation de l’économie (LME) aborde la question de l’économie sociale et solidaire, cela donne un article~20, adopté en première lecture, qui élargit certes une voie de financement des entreprises solidaires via l’épargne salariale, mais fait surtout de l’entreprise solidaire un vaste fourre-tout. Voté le 5~juin dernier, cet article rend en effet obligatoire l’intégration d’un fonds solidaire dans tous les produits d’épargne salariale des entreprises. Jusqu’à présent, cette obligation ne concernait que les plans d’épargne retraite collectifs (Perco).

Une mesure intéressante, même si tout le monde ne s’accorde pas sur son aspect prioritaire. Éric Pliez, membre du bureau de la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale (Fnars), estime que «lorsqu’on discute avec des structures qui gèrent des fonds communs de placement solidaire, il y a parfois de l’argent qui dort. Par contre, la question du financement du fonctionnement reste un problème». Le soutien à l’économie solidaire par l’épargne des salariés pose aussi la question du désengagement de l’État et de l’Union européenne, et remet en cause le maintien de «l’égalité de traitement sur tout le territoire», ajoute-t-il.

Afin d’identifier les entreprises éligibles à ces fonds, l’article~20 établit une définition de l’entreprise solidaire. Le simplisme gouvernemental en a fait une usine à gaz. Il suffit que l’entreprise réponde à l’une des conditions suivantes : salarier des personnes en contrat aidé ou en situation d’insertion professionnelle, ou bien être une mutuelle, une association ou une coopérative remplissant «certaines règles en matière de rémunération de ses dirigeants et salariés». Cette définition aminima édulcore sérieusement la définition de la loi Fabius sur l’épargne salariale de 2001, qui, loin d’être satisfaisante, établissait des contraintes plus précises en termes de volume d’emplois aidés ou en insertion, et en termes d’écart de salaires dans une même entreprise.

Cette définition expéditive pose au moins deux problèmes. Député PS de l’Isère, Geneviève Fioraso estime qu’ «on additionne des carottes et des petits pois. Prenez le mutualiste de base de la GMF ou autre. Je vous mets au défi de dire qu’il participe à la gouvernance de sa mutuelle. Il faudrait revoir les critères de définition de l’économie sociale et solidaire, et je regrette que cette loi n’ait pas permis de réfléchir là-dessus». Un regret qui sert à alimenter le débat sur la volonté du gouvernement de faire voter en urgence, et donc sans débat, la majorité des lois présentées au Parlement depuis un an.

Autre problème, la reconnaissance de l’usage d’emplois aidés comme critère suffisant. Le Grenelle de l’insertion a lancé la réforme des contrats aidés, qui devrait aboutir à un contrat unique avec trois variantes. L’une d’elle est le contrat de professionnalisation destiné spécifiquement aux entreprises conventionnelles afin d’organiser le cadre d’accueil de personnes en situation d’insertion professionnelle. Dans cette hypothèse, «n’importe quelle entreprise, dès lors qu’elle prend deux contrats de professionnalisation, peut-être considérée comme solidaire, regrette Éric Pliez Ça demande des clarifications».

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