La gauche du PS en ordre dispersé

Regroupement dans une motion commune de la gauche ou rassemblement avec Martine Aubry dans un pôle majoritaire ? La « gauche du PS » hésite sur sa stratégie en vue du congrès de Reims.

Michel Soudais  • 3 juillet 2008 abonné·es

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Les congrès du PS obéissent à des rites qui, pour le profane, restent mystérieux. De l’extérieur du parti, la pluie de « contributions », dont les médias ont rendu compte ces derniers jours, passe volontiers pour de la cacophonie. Cette « phase des contributions », qui durera jusqu’au 20 septembre, permet à chaque sensibilité de présenter les questions qu’elle souhaite voir aborder au congrès. De la confrontation des préoccupations des uns et des autres naissent alors des rapprochements concrétisés par le dépôt de « motions », entre lesquelles les adhérents auront à trancher par un vote.

Le conseil national, qui s’est réuni le 2 juillet, devait enregistrer un peu plus d’une douzaine de « contributions générales ». C’est moins que lors du congrès du Mans, où on en comptait dix-huit. Néanmoins, à côté des contributions très médiatisées de Ségolène Royal, Bertrand Delanoë, Martine Aubry ou François Hollande, on recense au moins cinq textes émanant de ce que l’on a coutume d’appeler « la gauche du parti ». Six, si l’on y inclut celui présenté par Laurent Fabius. Autant qu’en 2005 ! Cet émiettement des sensibilités de gauche dans un parti qui s’est considérablement recentré à la faveur de l’élection présidentielle de 2007 augure mal un rassemblement ultérieur.
Les gauches du PS présentent pourtant des points communs. Sur la forme d’abord. Exception faite du texte présenté par Gérard Filoche, « D’abord, redistribuer les richesses » , qui dresse un « programme d’urgence sociale » détaillé, l’apparentant dans l’aspect à d’autres contributions bavardes, comme celle de Martine Aubry – plus de deux fois trop longue au regard des critères de publication fixés par la « commission du congrès » –, qui détaillent par le menu un programme de gouvernement hors de tout calendrier électoral, les contributions présentées par la gauche du PS s’en tiennent toutes à quelques questions clefs propres à définir une orientation politique.

Partisan de « Réinventer la gauche » , Jean-Luc Mélenchon pointe ainsi, comme autant de « sujets qui posent vraiment problème » , six questions qui « font la différence » entre la ligne « démocrate » et l’orientation socialiste : refus d’une Europe libérale et américaine ; primauté du combat pour le partage des richesses ; refondation républicaine avec « une VIe République de démocratie continue » ; défense de l’action de l’État, notamment pour mettre en œuvre une « planification écologique » ; construction d’un « parti de combat et d’éducation populaire » ; des alliances à gauche exclusivement et sans exclusive.
Le refus de l’alliance avec le centre-droit est un point central pour Henri Emmanuelli. Ironisant sur les « comportements très évolutifs » de ses camarades en période de congrès, le député des Landes estime que « la stratégie n’a jamais menti » : « Ceux qui sont partisans de l’alliance à gauche sont amenés à faire des choix politiques différents de ceux qui envisagent d’autres alliances. » La contribution « Reconquêtes » , qu’il présente avec Benoît Hamon, refuse les recettes éculées de la social-démocratie européenne, remet en cause le libre-échange, veut changer le cours de la construction européenne, prône une nouvelle politique sociale et une réinvention des moyens de l’action politique, définit les bases d’une politique étrangère de gauche…
La tonalité de « Changer ! » , la contribution de Marie-Noëlle Lienemann et Paul Quilès, est assez voisine. Très axé sur la réaffirmation des valeurs de gauche, leur texte oppose aux velléités d’ « alliance au centre et autres stratégies de troisième force » une stratégie « d’unité de la gauche » qui appelle un « dépassement du PS » . Radicale dans sa brièveté, son expression et ses choix, conformes au socialisme historique, la contribution de Marc Dolez, « Debout la gauche ! » , appelle à « l’insurrection militante » contre les « liquidateurs » . Plus que d’une rénovation, c’est d’une « révolution » dont a besoin le PS, affirme-t-il.
En accord sur le fond pour l’essentiel – la perspective d’un parti de toute la gauche ne fait pas l’unanimité –, « la gauche du PS » se retrouvera-t-elle sur une motion commune ? Trait d’union, la sensibilité de Jean-Luc Mélenchon, dont un appel en ce sens lancé début avril a été signé par 1 200 militants, l’exhorte à « se rassembler » et « se compter » au congrès de Reims pour « empêcher la mutation définitive du PS en parti démocrate comme en Italie ». Réplique sèche d’Henri Emmanuelli : « L’objectif n’est pas d’être à l’aile gauche du parti socialiste, l’objectif c’est que le parti socialiste reste un parti de gauche. »

À cette fin, le NPS, qu’il codirige avec Benoît Hamon, veut profiter de l’éclatement de la majorité de François Hollande pour en rassembler une nouvelle, sinon autour de lui, du moins en étant un élément moteur. Pour Marie-Noëlle Lienemann, plus portée vers une « guerre de mouvement » qu’une « stratégie de forteresse », « se définir comme la gauche du PS, c’est renoncer à en être le manche, la direction » . Comme le NPS, elle et ses amis privilégient la recherche d’une convergence avec « le pôle des reconstructeurs » qui rassemble les fabiusiens, des strauss-kahniens et les amis d’Arnaud Montebourg et de Martine Aubry. Mais s’ils citent volontiers les noms de Laurent Fabius et de la maire de Lille, ils n’évoquent jamais les autres composantes de ce pôle.
Apparemment insoluble en ce début d’été, cette divergence sera sans doute tranchée de l’extérieur. Faute d’entente, la gauche du PS laisserait à Martine Aubry le soin d’arbitrer sa querelle. La maire de Lille pourrait alors lui imposer de se compter. Ou opérer un tri dans ses rangs entre ceux avec qui elle acceptera de faire un bout de chemin et les autres…

Politique
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