Le retour des Cosaques

Les héritiers de ce peuple guerrier de Russie centrale ressurgissent comme supplétifs du pouvoir dans tous les conflits récents, comme en Géorgie.

Claude-Marie Vadrot  • 18 septembre 2008 abonné·es

Dès le 2 août dernier, c’est-à-dire six jours avant le début de la guerre entre la Géorgie et la Russie, le « président » de l’Ossétie du Sud évoquait, dans un discours passé inaperçu, la « préparation et la venue prochaine des volontaires cosaques » . Sur plusieurs sites qui leur sont consacrés, il est question, à la fin du mois d’août, de la formation de détachements de tels volontaires sur toute ­l’étendue de la Russie, essentiellement de Cosaques du Don. Les informations ont été de plus en plus nombreuses et précises à partir du 5 et du 6 août, quand l’évacuation des civils d’Ossétie du Sud a commencé. Puis lorsque les hostilités entre Géorgiens et Russes se sont intensifiées.
Toutes les observations effectuées sur place tendent à prouver que ceux qui ont été qualifiés par les journalistes ou les observateurs de « milices » étaient en fait des commandos de Cosaques dont l’objectif était double. D’abord, bien au-delà des limites de la république autoproclamée, ­contraindre les Géorgiens de la région à prendre la fuite le plus loin possible ; ensuite, préparer le terrain contre les militaires géorgiens avant l’arrivée de l’armée régulière russe ; enfin, terroriser tout le monde en brûlant et en détruisant. Le 8 août, Nikolaï Sapelkine, ataman (chef) des Cosaques de la ville de Voronej, annonçait dans un communiqué officiel : « Tous les volontaires seront acheminés jusqu’à Stavropol, où un quartier général de mobilisation de la grande armée du Don est déjà en activité. À partir de là, ils seront envoyés en Ossétie du Sud, où ils serviront sous contrat dans les forces spéciales. »
Stavropol est la ville où, en 1990, les Cosaques se sont réunis en Congrès pour la première fois depuis la révolution ­d’Octobre. Déjà, en grand uniforme, ils promettaient, dans une atmosphère à ­mi-chemin entre opérette et séance d’exorcisme xénophobe, de restaurer la grandeur russe et de la débarrasser des métèques et des Juifs… Ils ont été, depuis, des acteurs ­« efficaces » dans la lutte contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à un étranger.

Peu à peu, grâce à un oukase de Boris Eltsine, ces Cosaques ont reconstitué certains de leurs anciens régiments, ouvert une ­université de formation et nommé des officiers et des ataman . À plusieurs reprises, ils ont engagé des commandos importants en Tchétchénie, en Abkhazie, intervenant également aussi bien à Moscou qu’à Irkoutsk contre « les marchands étrangers » , qu’ils soient caucasiens ou chinois. Nous les avons vus, à Irkoutsk, veiller sur les cercueils de plusieurs de leurs membres tués au combat. Ils ont également été engagés en Serbie, en Croatie et au Kosovo contre ceux qui prétendaient résister aux ­Serbes. Plusieurs d’entre eux, sans qu’aucune sanction judiciaire ne les frappe, ont été impliqués dans des ratonnades contre des Noirs. C’est probablement en Abkhazie qu’ils ont été les plus « efficaces », à la pointe des exactions qui ont précipité l’exode des Géorgiens de cette région. Leur rôle va désormais être de monter la garde au-delà des frontières des deux nouvelles républiques reconnues par la Russie, aux « limes » de l’Empire russe, comme c’était leur fonction du temps des tsars.

Les Cosaques constituent également, et discrètement, la garde rapprochée du dictateur d’Ingouchie, le « président » Mourat Ziazikov, ancien général des services ­secrets, nommé en 2002 à la tête du pays par le président Poutine. Ils l’aident à maintenir la terreur dans le pays, où le dernier fait d’armes de la police a constitué, le dimanche 31 août, à tuer d’une balle dans la tête, après son arrestation à l’aéroport, le chef de l’opposition Magomed Evloïev. Les policiers ont expliqué qu’il s’agissait d’un simple accident…
Le pouvoir russe compte sur ces supplétifs pour maintenir discrètement et férocement l’ordre dans toutes les provinces du Caucase que le Kremlin veut « pacifier » et « sécuriser » « contre les musulmans » en vue de la tenue des Jeux olympiques d’hiver, que la ville de Sotchi doit organiser en février 2014. Car, évidemment, ces jeux ne vont pas se dérouler sur les bords de la mer Noire, mais dans la montagne caucasienne de l’arrière-pays, à proximité des républiques ou territoires autonomes, où les musulmans sont souvent major­itaires et lassés de la tutelle de Moscou.

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