Bonnes intentions et bonnes affaires

Un an après le Grenelle de l’environnement, on relève beaucoup de pétitions de principe et quelques avancées, surtout quand celles-ci se traduisent par de gros contrats pour le BTP.

Claude-Marie Vadrot  • 30 octobre 2008 abonné·es

Pour la seconde fois dans l’histoire de la Ve République, une loi sur l’écologie et l’environnement a été adoptée à la quasi-unanimité : 526 voix contre 4 (dont trois Verts s’étant illustrés dans l’abstention). En 1976, la loi sur la protection de la nature avait fait mieux, en n’enregistrant qu’une abstention. Impression dominante : à droite comme à gauche, les députés sont satisfaits de s’être enfin débarrassés de ce sparadrap qui leur colle plus aux discours qu’aux actes. Comme si, un an après le Grenelle, personne n’avait vraiment envie de faire un premier bilan, parce qu’il faut désormais passer « aux choses sérieuses ». On est évidemment loin de « la magie » vantée par Jean-Louis Borloo après l’expédition du dernier amendement, mais tout n’est pas à jeter dans les évolutions enregistrées, qu’elles relèvent de la loi ou de la réglementation. À condition, évidemment, que le budget 2009 ne réduise pas les bonnes idées à néant au nom de la crise. Rappelons au passage que les dix premiers milliards d’euros de crédits offerts aux banques représentent vingt fois le budget du ministère de l’Écologie.

Illustration - Bonnes intentions et bonnes affaires


Des centaines de logements mal isolés, ici en rouge, doivent être rénovés grâce à des prêts à taux zéro. Amélie Delecroix/TCC SA Beauvais

L’avancée la plus marquée concerne l’engagement de réduction, au cours des dix prochaines années, de la moitié des émissions de gaz carbonique dans l’habitat, l’industrie et le transport routier (qui en représente le tiers). Cela passe notamment par une rénovation de centaines de milliers de logements sociaux et par une incitation à faire des travaux d’isolation dans l’habitat ancien, collectif ou individuel, grâce à des prêts à taux zéro. Si ce thème a permis un accord entre l’État et les écologistes, c’est que le BTP a beaucoup insisté pour que cette action, tout comme l’obligation que, d’ici à 2012, les nouveaux bâtiments respectent les normes de basse consommation énergétique, soit prioritaire. Ce choix représente en effet de nouveaux emplois et plusieurs dizaines de milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le même BTP, soutenu par les élus locaux ou régionaux, a obtenu que passe à la trappe l’engagement de ne plus construire d’autoroutes. Et si deux mille nouveaux kilomètres de TGV sont prévus au cours des douze prochaines années, c’est aussi parce qu’ils représentent une perspective de bénéfices qui laisse dans l’ombre le maintien et l’amélioration des trains ordinaires, utiles au plus grand nombre. En matière de transport, seul le trafic fluvial sera développé, alors que le ferroutage reste un vœu pieux, combattu par les mêmes transporteurs routiers qui ont réussi à retarder l’éco-redevance destinée à pousser une partie du trafic de marchandises vers le rail.

Sur le plan énergétique, les ampoules à incandescence vont disparaître des magasins dès 2010 sans que soit posée la question du coût des ampoules à faible consommation, ni celle de leur recyclage (car elles contiennent du mercure), et sans que soit soulevé le fait que ces ampoules sont à 90 % fabriquées en Chine, ce qui implique une dépense ­d’énergie pour les importer.
La part des énergies renouvelables devra atteindre 20 % d’ici à 2020, mais il ne ­s’agit que de l’application d’une décision européenne. Et la France n’a pas encore renoncé à faire inclure l’électricité d’origine nucléaire dans les « énergies propres ».
Pour ce qui concerne la santé des Français, le danger représenté par les particules fines en provenance du trafic automobile (notamment diesel) et de nombreuses installations industrielles n’a pas été écarté : ces nouveaux objectifs de réduction ont été mis au conditionnel à la demande des constructeurs automobiles et des industriels.
Concernant les pollutions et destructions du milieu naturel, aucun texte ne garantit une production agricole et une consommation sans OGM. Et si la réduction de 50 % de ­l’usage des pesticides en dix ans a été maintenue, quels seront les moyens pour y parvenir ? Quant à la « trame verte » réclamée à l’unanimité des participants du Grenelle (à l’exception du Medef) pour préserver la biodiversité dans les espaces naturels protégés et surtout entre ces zones préservées, elle est remise à une date très ultérieure grâce à l’union sacrée des élus locaux, des aménageurs, des industriels, des propriétaires fonciers et du gouvernement.

L’extension des (discutables) bonus-malus et d’une TVA incitative poussant à une consommation moins dangereuse pour l’environnement est renvoyée aux calendes grecques. Et les nouvelles étiquettes, déjà absconses, suffiront d’autant moins qu’elles sont lues par une minorité de consommateurs armés de patience et de loupes.
Reste que la tenue du Grenelle aura au moins servi, pour l’opinion publique, à remettre la protection de la nature, la préservation de l’environnement et la lutte contre l’effet de serre au cœur des préoccupations, en même temps que ces notions se réinstallaient dans la presse.

Écologie
Temps de lecture : 5 minutes