Leur cher pétrole

Hélène Crié-Wiesner  • 2 octobre 2008 abonné·es

«Drill, baby, drill ! » (« Fore, chéri, fore ! ») J’en ai entendu, des phrases débiles scandées par des foules en délire dans des meetings, mais cette injonction à creuser des puits de pétrole m’a vraiment sciée. C’était début septembre, à la Convention républicaine. McCain s’apprêtait à présenter sa colistière Sarah Palin, populiste gouverneure de l’Alaska.
Palin réclame l’ouverture aux forages de la réserve naturelle de l’Arctique, ne croit pas à la responsabilité de l’homme dans les changements climatiques, clame que c’est la volonté de Dieu de construire un gazoduc en Alaska, et ses deux précédentes élections ont été sponsorisées par BP et Veco.
Rien d’étonnant à ce que le thème de l’énergie soit très présent dans la campagne électorale. La fulgurante augmentation du prix de l’essence a mis K.-O. les Américains, incapables désormais de remplir les réservoirs de leurs grosses voitures. Ils avaient été prévenus, mais n’y croyaient pas.

On aurait pourtant pensé qu’une ou deux années d’hystérie nationale autour du « Green is good for you » auraient préparé les esprits au changement de mode de vie. Mais non ! Les Américains aiment avoir le choix de leurs comportements : être écologiquement corrects ou pas. En perdant ce choix, ils ont l’impression d’abandonner une partie de leur liberté garantie par la Constitution.
Dans ce combat pour le droit inaliénable à consommer, droite et gauche américaine font assaut de démagogie. Ce qui fait consensus : le développement des énergies alternatives, la relance d’un programme nucléaire et l’exploitation « propre » du charbon.
Ce qui fâche encore, quoique les lignes politiques soient floues, c’est le fait de taxer les émissions de gaz à effet de serre des usines. Et, bien sûr, ces nouveaux forages sur le sol américain, surtout offshore, dans des zones côtières jusque-là préservées.

Les postulants à la présidence ne sont pas les seuls à s’empailler sur le sujet. Et avec une violence inouïe, comme nos deux candidats gouverneurs en Caroline du Nord, à la télé locale l’autre jour. La démocrate n’osait même plus dire qu’elle était contre, elle tentait juste désespérément des « si la technologie le permet… » , « si le tourisme n’en souffre pas… » . Pitoyable, cette capitulation devant la volonté populaire !
Car il semble que le peuple américain ait déjà tranché. Obama tente encore d’expliquer que ce nouveau pétrole partira directement sur le marché mondial, et profitera très peu aux consommateurs locaux. En vain. La soif d’énergie est telle qu’elle semble avoir balayé toute trace de raison.

Écologie
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