Pourquoi ils disent non

Alors que les communes sont de plus en plus sollicitées pour implanter des éoliennes, l’opposition grandit, comme à Ally (Haute-Loire) ou dans le Forez.

Christophe Goby  • 20 novembre 2008 abonné·es

En 2006, le conseiller général du canton d’Ally (Haute-Loire), Jean-Pierre Vigier, voyait dans l’éolien un nouvel eldorado, avec un tourisme qui ne manquerait pas de créer des recettes. Onze aérogénérateurs sur les vingt-six du parc ont été installés à moins de 500 mètres des habitations. La société Boralex, l’exploitante du site, annonçait 194 000 euros annuels de manne financière au titre de la taxe professionnelle. Les ­petites communes rêvent alors de « projets » : « Faire revenir des gens, comme l’explique Marie-Pierre Olagnol, la maire. On habite sous une éolienne, on les entend, mais bon… Ça ne casse pas les oreilles. »
La fronde s’est pourtant installée durant l’hiver 2006, après un an de fonctionnement : 49 habitants refusent les machines, responsables de bruits lancinants qui troublent leur sommeil. « C’est comme les accidents de voiture, il faut que notre expérience serve aux autres », confiait une habitante [^2]. Ce projet, résolument soutenu par la Région, est aujourd’hui brocardé par les contempteurs de l’éolien.

Les manœuvres financières sont instructives : un document interne de la section départementale de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire en France, montre qu’elle s’est préparée à recevoir les développeurs de parcs éoliens qui arpentent la campagne. La FNSEA a signé en octobre 2002 un protocole d’accord avec le Syndicat des énergies renouvelables et incite fortement les agriculteurs à signer des baux. L’éolien industriel rapporterait plus que l’élevage.
On est plus intrigué quand on observe que l’un des protagonistes du document n’est autre que Jean-Pierre Olagnol, l’époux de la maire d’Ally, et que celui-ci possède l’entreprise Les Artisous de Margeride, une laiterie subventionnée par la société Boralex à hauteur de 10 000 euros. Mieux encore, un des fils de la même famille a été embauché à la maintenance des sites. Le document s’achève par cette sentence toute proverbiale dans nos campagnes : « Il faut être discret sur ce dossier. »
« C’est au mieux-disant » , explique Bernard Veissiere, maire d’Ardes-sur-Couze (Puy-de-Dôme). Vingt-six éoliennes doivent être construites sur son territoire avant fin 2008. Il admet que les communes sont sollicitées de toutes parts. « Tout se négocie, c’est finalement comme un appel d’offres. » La taxe professionnelle générée par le parc éolien devrait être d’environ 140 000 euros par an.
Claude Chazelle, architecte paysagiste, observe une frénésie spéculative : « On a lâché les loups dans les campagnes sans aucun garde-fou. Les zones de développement éolien tentent d’encadrer le développement, mais elles arrivent un peu tard. »

Dans le Forez, le projet des Hautes-Chaumes a sonné le rappel de la résistance à l’éolien industriel. Le mât de mesure du vent a été saboté deux fois en 2002. À Saint-Martin-des-Olmes, les promoteurs sont tombés sur un hameau d’irréductibles. « Approchés », les époux Macaux, de vieux communistes, n’ont pas lâché. Dans la région, la location peut dépasser 1 500 euros annuels par éolienne. « Ils proposaient aussi de nous faire un kilomètre de goudron ! » Comme en Afrique, alors ? « Pour la location des terrains, on avait demandé trois plus que le prix normal pour qu’ils refusent… et ils ont accepté ! »
Dans le Forez, le projet a été abandonné après l’enquête publique, et ce malgré une pression financière non négligeable. À Ally, les éoliennes n’ont pas « fait revenir des gens » à la campagne. Et ceux qui y viennent justement pour quitter la ville et ses embarras, comme Emmanuelle Petitjean, arrivée de Paris et propriétaire d’une maison à 700 mètres d’un mat de mesure, sont plutôt critiques : *« Une éolienne, je ne trouve pas ça laid, mais c’est une escroquerie financière. »
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[^2]: La Galipote, été 2007.

Écologie
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