Réseaux pointés
Plusieurs syndicats et organisations de l’Éducation dénoncent la réduction programmée des effectifs des Réseaux d’aides spécialisées aux enfants en difficulté, sans concertation avec les professionnels du secteur.
dans l’hebdo N° 1026 Acheter ce numéro

Le coup de grâce n’est pas loin. Après la suppression de 13 500 postes d’enseignants traditionnels prévue en 2009, le gouvernement s’attaque aux effectifs des Réseaux d’aides spécialisées aux enfants en difficulté (Rased). Dans ce dispositif, des psychologues ainsi que les maîtres « E » et « G », comme ils sont désignés dans le jargon de l’Éducation nationale, suivent de près les élèves du primaire en proie à des problèmes particuliers d’apprentissage (« E ») ou d’adaptation à l’école (« G »). À ce titre, ces enseignants spécialisés ont reçu une formation particulière d’un an et interviennent là où le besoin s’en fait sentir, sur plusieurs établissements à la fois. Or, les rangs de ces réseaux devraient être amputés de 3 000 postes de profs E et G à partir de 2009, sur le contingent actuel de 11 000 postes.
Les enseignants de Rased suivent les élèves ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage. Verdy/AFP
Une saignée difficilement justifiable alors même que, selon les enseignants concernés, les moyens des Rased ont toujours été insuffisants pour couvrir les besoins. La plupart des Réseaux fonctionnent ainsi en sous-effectifs. Et ce depuis leur création, en 1990. « Selon les textes, un Rased doit être composé d’un psychologue et de deux maîtres » , précise Christine Plouzennec, chargée du siège social de l’Association française des psychologues de l’Éducation nationale (Afpen). « Bien souvent, dans la pratique, les trois ne sont pas réunis. » En outre, chaque école publique maternelle ou élémentaire devrait pouvoir faire appel à un Rased. Mais le réseau des établissements scolaires est bien trop étendu au regard du personnel disponible pour servir tout ce petit monde. « Certains Rased couvrent 2 000 élèves, révèle Christine Plouzennec, il est impossible d’intervenir dans chaque établissement. » Ce n’est pas faute de quadriller le terrain : un maître ou psychologue Rased intervient sur une vingtaine d’établissements, voire plus en milieu rural.
Dernière nuance entre la théorie et la pratique, les crédits accordés pour le déplacement du personnel sont de plus en plus virtuels. Ils se sont, en tout cas, réduits « au fur et à mesure » des années. Dans le Finistère, à l’Afpen, « dès avril-mai » , l’enveloppe consacrée à ces frais peut être jetée à la corbeille. Vide. Moyens insuffisants et, désormais, menaces sur la pérennité du dispositif : rien d’étonnant à ce que la pétition de soutien aux Rased, lancée par une vingtaine de syndicats et d’organisations, connaisse un succès tonitruant, avec déjà plus de 120 000 signatures recueillies.
Il en faudrait plus pour émouvoir Xavier Darcos, le ministre de l’Enseignement, qui jure qu’aucun poste de maître spécialisé ne sera supprimé. « Nous les réaffectons dans des classes où nous avons besoin d’eux », tente le ministre, au cours d’ « une expérimentation » d’un an. Tout en sollicitant les enseignants traditionnels, mobilisables deux heures par semaine pour les élèves en difficulté depuis la suppression des cours du samedi matin. À la nuance près que ces derniers ne sont pas formés pour une mission qui exige des compétences spécifiques : « À l’Assemblée nationale, Xavier Darcos expliquait récemment aux députés que les maîtres de la classe pouvaient reprendre une leçon incomprise. Bien sûr qu’ils le peuvent, réagit Christine Plouzennec, mais la fonction du maître Rased, qui intervient auprès des enfants en grande difficulté, est très différente. Avec cette logique, il y a un vrai risque que les difficultés des élèves concernés s’enkystent. »
Pas convaincus par les arguments du ministre, les défenseurs des Rased rappellent aussi que cette réaffectation se fera dans des classes normales. Exit donc le concept de suivi partagé des élèves entre plusieurs intervenants : « Dans le cadre des Rased, il est fréquent d’échanger avec un maître avant qu’il rencontre un élève que l’on a déjà suivi » , souligne la psychologue Christine Plouzennec.
Exit aussi, du fait de la sédentarisation des maîtres spécialisés, la possibilité de couvrir plusieurs établissements. À moyens constants, « il est impossible de sédentariser les maîtres et psychologues sans priver de leurs services des écoles parfois distantes de seulement dix kilomètres d’un établissement de centre-ville ».
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La pétition, également portée par la Fédération nationale des associations de maîtres E (Fname) et la Fédération nationale des associations des rééducateurs de l’Éducation nationale (Fnaren), est encore plus pessimiste : *« Cette mesure va priver des dizaines de milliers d’élèves des aides spécialisées, qui ne couvriraient plus tout le territoire, et conduira à terme à la suppression des Rased. » Pour le reste, le flou le plus complet règne. « À part l’argument officiel, soit “sédentariser les maîtres spécialisés pour les affecter dans les groupes scolaires où on en a le plus besoin”, on ne sait rien » , confirme Christine Plouzennec.
L’Afpen, la Fnam et la Fnaren ont donc demandé une entrevue avec Xavier Darcos : « On voudrait savoir ce qu’il attend, qu’il précise ses projets. » Aucune réponse, pour le moment. Rien d’étonnant : sur la réforme concoctée par le ministre, « on ne nous a jamais demandé notre avis ».