Refuser la criminalisation de l’antifascisme sans crier au péril fasciste à chaque provocation
Il faut rester collectivement vigilant vis-à-vis de la violence de l’extrême droite… d’autant que ses auteurs alimentent stratégiquement et idéologiquement le Rassemblement national dans sa marche vers le pouvoir.

© Maxime Sirvins
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Le juge des référés du tribunal administratif a finalement autorisé, à rebours de la décision de la préfecture de police de Paris, le défilé du groupe néofasciste Comité du 9 mai (C9M) et le rassemblement statique antifasciste, place du Panthéon, à Paris. Il a, en revanche, maintenu la suspension par la préfecture d’une contre-manifestation antifasciste, dont le parcours, similaire à celle du C9M, aurait « conduit à mêler les participants à chacune de ces manifestations dont les antagonismes idéologiques sont forts ».
Première publication le 9 mai 2025
Le 9 mai, à Paris, deux manifestations ont été interdites par la préfecture de police. L’une était organisée par le Comité du 9 mai, un groupuscule d’extrême droite, issu de la mouvance identitaire. L’autre, prévue au Panthéon, était un rassemblement antifasciste en réponse. Les deux ont été jugées « à risque » et donc interdites. Le préfet a voulu équilibrer : interdire les uns, interdire les autres. Les ultras, et ceux qui leur font face. Cette mise sur le même plan est insupportable.
Car si les groupuscules d’extrême droite sont violents, ce n’est pas par dérapage. C’est leur méthode, leur raison d’être, leur fonction. Et si les antifascistes se mobilisent, c’est pour protéger l’espace public, les libertés, les corps. On ne peut pas renvoyer dos à dos ceux qui veulent intimider, et ceux qui s’organisent pour empêcher l’intimidation. À moins de considérer que la démocratie n’est qu’un décor à surveiller, pas un bien commun à défendre.
Il faut être lucide : l’ultra-droite reste marginale en France. Elle n’a pas grossi de manière significative depuis vingt ans. Elle est divisée, surveillée, souvent ridicule. La société française, malgré ses tensions, est incomparablement plus apaisée que dans les décennies sombres de l’entre-deux-guerres. Mais ces groupuscules, s’ils sont faibles, ne sont pas inoffensifs. Leur force, c’est l’intimidation ciblée. Une agression à Lyon, une intrusion dans une fac, un défilé masqué dans une rue parisienne — cela suffit à faire du bruit, à effrayer, à faire passer un message : « Nous sommes là ». Ils ne cherchent pas l’adhésion de masse, mais la démonstration de force.
Ce ne sont pas les années 30. Mais c’est un test politique.
Et dans ce jeu trouble, le Rassemblement national joue sa propre partition : réceptif aux mêmes obsessions identitaires, aux mêmes ennemis désignés. Les mots changent, les méthodes divergent, mais les idées circulent. Ces marges violentes agissent comme des avant-gardes – brutales, assumées, minoritaires – pendant que le parti d’extrême droite investit les urnes et les plateaux télé.
Il ne s’agit pas de crier au péril fasciste à chaque provocation. Ce serait leur faire trop d’honneur. Mais il ne faut pas laisser ces actes s’installer comme un bruit de fond acceptable. La gauche doit répondre. Pas par posture, mais par sa présence : dans les rues, dans les syndicats, dans les quartiers. Surtout, elle doit refuser cette criminalisation de l’antifascisme.
La France de 2025 n’est pas au bord de la guerre civile. Ce ne sont pas les années 30. Mais c’est un test politique. Et il faut y répondre pour ce qu’il est : un moment où se joue notre capacité à ne pas céder et surtout à proposer un horizon, celui du temps des cerises, plus puissant que le leur.
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