Virage dangereux

La Commission Varinard durcit la justice des mineurs et banalise l’enfermement.

Ingrid Merckx  • 4 décembre 2008 abonné·es

En avril, Rachida Dati avait chargé la commission Varinard de réformer l’ordonnance de 1945 régissant la justice des mineurs. Texte dont la ministre de la Justice promettait surtout d’inverser le principe fondateur qui assure la primauté de ­l’éducatif sur le répressif. C’est en route : la commission, qui a rendu son rapport de 200 pages le 3 décembre, a élaboré une liste de 70 propositions, en tête desquelles le passage de la responsabilité pénale à 12 ans, la création d’un tribunal des mineurs à juge unique, une peine d’emprisonnement le week-end, la création de sanctions éducatives, etc.

En fixant la responsabilité pénale à 12 ans, la Commission prétend « se conformer aux engagements internationaux » et estime que c’est l’âge « le plus pertinent au regard de la réalité actuelle de la délinquance juvénile » . La moyenne européenne se situe à 14 ans. « Mais un emprisonnement reste un emprisonnement, même encadré ! s’insurge Hélène Franco, juge pour enfants, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature. 13 ans, l’âge actuel pour une incarcération, c’est déjà très tôt ! Se figure-t-on ce que devient un enfant dans une structure carcérale ? Comment se construit-il ? Quels repères va-t-il acquérir ? » Selon elle, le raisonnement de la commission repose sur un fonctionnement par paliers en fonction de l’âge. Une « justice mécanisée » en somme, qui ne tient aucun compte de l’idée ­d’éducabilité et ­d’évolution de la personne.
En outre, la commission Varinard remettrait en cause la spécialisation des juges pour enfants, pourtant inscrite dans la Convention européenne des droits de l’enfant. Les mineurs de 16 à 18 ans pourraient donc être jugés par des non-­spécialistes. Ce qui pose aussi un problème constitutionnel : la majorité civile étant à 18 ans, on serait majeur pénalement deux ans plus tôt que civilement ? Ce rapport « dangereux » , selon cette magistrate, parce qu’il « banalise l’enfermement » , intervient alors que l’année 2008 est marquée par trois suicides de mineurs incarcérés. Les premiers cas depuis huit ans.
Le 1er décembre, Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, a relancé l’idée d’une détection des troubles du comportement chez l’enfant dès le plus jeune âge, « en complément de ­l’abaissement de la responsabilité pénale » . Bientôt l’enfermement à 3 ans ?

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