Dans la maison de grand-mère

Des paysans de l’Aube ouvrent les portes de leur ferme
aux vacanciers. Un paradis pour les enfants.

Christine Tréguier  • 8 janvier 2009 abonné·es

Lorsqu’on découvre la maison d’Andréa, où Nelly (sa petite-fille) et Fabien Balanche, membres du Réseau Accueil paysan, accueillent les amateurs de vacances différentes, la première impression est celle de l’authenticité. Ils ont tenu à la conserver dans son jus. L’univers d’Andréa, la cuisinière ambulante dont les anciens des villages avoisinants se souviennent encore, est presque intact, à quelques éléments d’électroménager près. De cette maisonnette où elle a vécu petite, Nelly a fait un paradis pour les enfants : lectures, peintures, jouets, basse-cour, grange à foin, malles à déguisement, tipi ou balançoire bricolés avec des bouts de ficelle. Tout pour retrouver cet ineffable sentiment de liberté des enfants livrés à eux-mêmes. Ce qui, soit dit en passant, contribue grandement à faire passer de bonnes vacances à leurs géniteurs. Petits et grands peuvent nourrir les animaux de la basse-cour, soigner l’âne, visiter la ferme, et même participer à la moisson.
Les Balanche sont l’unique Accueil paysan de toute l’Aube. Surprenant dans une région si agricole. Mais sans doute les « cultos » du coin sont-ils plus sensibles aux moyens d’améliorer la rentabilité et à la reconversion de la Politique agricole commune qu’à ce qui anime Nelly : les valeurs partagées, l’authenticité, le désir d’expliquer son métier et d’en apprendre des autres. Descendante de générations de paysans bragelonois, elle a toujours travaillé à la ferme. Un jour, un étranger est arrivé dans une ferme voisine. Fils de fermiers lui aussi. Ces deux-là étaient, comme on dit, « faits pour s’entendre ». Ces « paysans » fiers de l’être ont repris l’exploitation des parents de Nelly, fait quatre enfants (une fille et trois gars), et bossé dur pour exploiter les 200 hectares de céréales (blé orge, colza, tournesol) et de vigne, en ne tombant pas dans l’ornière du productivisme.
Fabien a toujours cherché à minimiser l’impact des cultures sur la terre. Aujourd’hui, il a recours à des méthodes intermédiaires entre intensif et bio : pas de labour, rotation des cultures, désherbage à la herseterie, intrants choisis, répandus la nuit, lorsque la bonne pénétration permet de réduire la quantité utilisée, etc. Il est membre de la Confédération paysanne et du Groupement de développement agricole de l’Aube (GDA), qui s’interroge sur toutes les pistes permettant de rendre l’agriculture soutenable pour la planète.
« Moi, j’aime le monde » , disait Andréa. Sa petite-fille est sa copie conforme. « Je me sens enracinée dans ce territoire » , se plaît-elle à dire, évoquant les anciens, dont elle collecte les souvenirs pour que la mémoire des paysans aubois se transmette. Aux visiteurs qui l’écoutent, elle peut passer des heures à raconter l’histoire de cette terre et de ses habitants et l’évolution de l’agriculture. Nelly la loquace a fini par refiler à Fabien sa passion des « diseurs d’histoires ». À tel point que tous deux se sont lancés, avec l’aide des foyers ruraux de l’Aube, dans l’organisation de soirées où ils invitent des conteurs professionnels, et dans des stages de formation pour renouer avec l’art de la tradition orale et de la transmission de la mémoire paysanne. Peut-être, un jour, entendra-t-on Nelly, soutenue par quelques accords de guitare de Fabien, conter l’histoire d’Andréa, la cuisinière, expliquant à sa petite-fille que « dans la vie, faut s’débrouiller avec c’qu’on a ».

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