De sombres nuages

Plusieurs études scientifiques récentes font état de nouvelles très alarmantes.

Patrick Piro  • 26 février 2009 abonné·es

C’est une avalanche d’inquiétantes mises à jour sur l’état du climat que vient de délivrer l’Association américaine pour la promotion de la science (AAAS) lors de sa conférence annuelle (à Chicago). L’arrivée au pouvoir de Barack Obama, qui promet un engagement déterminé des États-Unis dans la lutte contre le réchauffement, y est certainement pour quelque chose : les climatologues étasuniens, après huit ans d’autisme de Georges Bush, s’attendent désormais à une écoute attentive. Mais, surtout, les études qui se succèdent distillent un pessimisme général : le dérèglement s’accélère, au point que le scénario noir du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat de l’ONU (Giec) [[Son dernier rapport, qui date de 2007,
fait référence auprès des décideurs.]] est déjà dépassé.

Tout d’abord, les émissions de gaz à effet de serre, loin d’être sous contrôle, comme c’était l’objectif du protocole de Kyoto, augmentent comme jamais : 3,5 % de plus par an depuis 2000 pour le CO2 issu des combustibles fossiles. L’explosion industrielle de la Chine et de l’Inde est en cause. Mais le Giec a aussi sous-estimé les émissions de méthane, puissant gaz à effet de serre relâché par millions de tonnes aux latitudes glacées. Ensuite, les preuves d’un réchauffement accéléré s’accumulent. Les glaces disparaissent par endroits trois fois plus vite que prévu, avec une révision à la hausse du même ordre pour l’élévation du niveau des mers. En parallèle, les mécanismes naturels d’absorption du CO2 donnent des signes d’affaiblissement. La destruction des forêts tropicales ne donne aucun signe de pause, encore aggravée par les agrocarburants : ils provoquent finalement plus d’émissions de CO2 qu’ils n’en épargnent en se substituant aux carburants pétroliers.
Plus inquiétante encore est l’évolution des océans. Plusieurs études ré­vèlent une baisse de leur capacité à absorber le CO2 émis par les humains, en raison de saturations locales ou de modifications biologiques. « D’environ un tiers il y a une décennie, leur contribution est tombée à 20 % » , signale Nicolas Metzl, chercheur au CNRS, dont l’équipe mesure ce gaz dans l’Océan austral depuis dix ans.

Mais la menace croissante, c’est l’apparition de cercles vicieux : la disparition des forêts entraîne une augmentation des sécheresses, favorisant les incendies, qui accroissent les émissions de gaz à effet de serre ; le réchauffement climatique modifie la circulation océanique, qui fait remonter à la surface des couches déjà saturées en CO2, qui absorbent moins les quantités présentes dans l’atmosphère, etc. Jusqu’où ? Nul ne sait. Aucun modèle climatique n’a encore pris en compte ces boucles dans ses calculs…

Écologie
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