Des relations un peu trop confraternelles

Concentrée en peu de mains, très proche du pouvoir, la presse souffre de son uniformisation. C’est aussi une des raisons de ses difficultés actuelles.

Jean-Claude Renard  • 12 février 2009 abonné·es

Les États généraux de la presse, décrétés par le président de la République, donnent le ton : c’est le pouvoir exécutif qui décide. Rien d’étonnant quand on sait qui fait quoi.
À la tête du Figaro, de l’Express, de Valeurs actuelles, l’avionneur Dassault est producteur d’armes… commandées par l’État. Également fabricant d’armes, actionnaire d’EADS, Lagardère possède notamment Paris Match, le Journal du dimanche, la Provence, Nice-Matin et 17 % du Monde. Les activités dans le bâtiment de Bouygues (TF 1, mais aussi Métro) dépendent, entre autres, de l’État et des collectivités locales. Arnault détient la Tribune et les Échos, Pinault le Point, Rothschild a 37 % du capital de Libération. De son côté, Bolloré est derrière deux gratuits, Direct soir et Matin Plus.
Difficile de ne pas imaginer les accointances, les connivences de caste, entre les patrons de presse et l’État, a fortiori quand nombre d’acteurs sont des proches du Président (Bouygues, Lagardère, Bolloré). Réalité unique en Europe (sauf en Italie). S’il existe depuis la Libération des lois anticoncentration, elles ont peu d’effets.

Qu’en est-il alors de l’indépendance des rédactions avec une presse concentrée en si peu de mains ? Les articles sensibles, impertinents ou susceptibles de fâcher passés à la trappe sont courants (du non-vote de Cécilia dans le JDD aux défauts de la carte Navigo dans Matin Plus). Les journalistes, souvent précaires, souvent pigistes, sont confrontés aux impératifs économiques, à l’immédiateté de l’info, peut-être pas à la censure mais glissant dans l’autocensure. Le conformisme et le suivisme l’ont emporté sur le recul et l’irrévérence. Résultat, un défaut de contenus, une presse monochrome.
Dans ce manque de pluralisme, la seule concurrence, c’est l’uniformité. D’une couverture à l’autre, d’un article à l’autre. Voilà sans doute pourquoi le lecteur accorde peu de crédibilité à la presse, se détourne des journaux. Un lecteur qui n’a pas été convié aux États généraux, alors qu’il devrait être le premier concerné (en réalité, c’est la pub qui est recherchée, non un lectorat).

Autant de raisons qui poussent le citoyen à réagir sur la toile, à travers les blogs et les forums, quand l’urgence démocratique coïncide avec la révolution technologique. Avec certains effets : le « non » au référendum sur le TCE tient pour beaucoup aux échanges sur le web.

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