Droits dans le mur

Les députés adoptent le projet de loi Boutin, qui contredit les propositions des associations.

Ingrid Merckx  • 19 février 2009 abonné·es

Les députés ne pourront pas dire qu’ils n’étaient pas prévenus. Voilà des mois que le Collectif des associations unies s’insurge contre le projet de loi « de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion », défendu par la ministre du Logement et de la Ville, Christine Boutin. Cet automne, il leur avait envoyé une liste de quatorze amendements déclinés en trois axes : réintroduire dans le projet de loi les propositions du député Étienne Pinte, auteur d’un épais rapport sur l’hébergement d’urgence ; renforcer le rôle de l’État pour atteindre l’objectif 2012 de la loi sur le Droit au logement opposable (Dalo) ; et assurer la cohérence entre la prévention, l’hébergement et le logement.

Rien n’y a fait : le 10 février, les députés ont adopté le projet de loi première mouture par 312 voix contre 225. « Si, fort heureusement, les parlementaires ont refusé de modifier l’article 55 de la loi SRU, s’ils ont bien pris en compte quelques propositions du rapport du député UMP Étienne Pinte, admet le Collectif, d’autres mesures régressives ont été maintenues, notamment en matière d’expulsions locatives : l’article 19 de la loi prévoit en effet la réduction de 3 à 1 an du délai d’expulsion qui peut être accordé par le juge aux ménages en grande difficulté et sans solution de relogement. » Ce qui contredit le Dalo. « Le projet de loi préfère jouer la carte répressive plutôt que de renforcer le volet préventif de la lutte contre les expulsions » , dénonce le Collectif, qui demande la suppression de l’article 19. « La loi qui vient est dramatique », s’indigne aussi le DAL, qui fustige le fait que le texte vienne « amputer » le Dalo, écarter les associations de défense des exclus, retirer leur droit au logement aux demandeurs d’emploi qui refusent une solution de logement dans un autre département que le leur et, surtout, limiter la condamnation de l’État (article 24 bis).

La loi prévoit de lancer le dispositif controversé de « Maison à 15 euros » et de soutenir la construction en permettant à l’État de mobiliser les ressources des organismes HLM et du 1 % logement au moyen de « conventions d’utilité sociale ». Elle propose d’abaisser de 10 % les plafonds de ressources pour l’accès au logement social et d’accroître la mobilité dans le parc. Enfin, elle instaure une définition d’« habitat indigne », et projette de créer des « logements de transition » dans le parc social. Des mesures cosmétiques face à la crise ? L’adoption définitive du projet de loi après son passage devant la commission mixte paritaire est prévue le 19 février.

Société
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