Flins ne roule pas pour la F1

L’implantation d’un circuit de Formule 1 au cœur des Yvelines suscite une vive polémique.
À l’heure des crises financière et climatique, riverains et associations s’élèvent contre cette aberration.

Pauline Baron  • 19 février 2009 abonné·es
Flins ne roule pas pour la F1

La Formule 1 nuit-elle gravement à l’environnement ? Oui, répond l’Alliance pour la planète, qui a dressé la liste des projets « grenello-incompatibles ». Parmi les mauvais élèves figure en bonne place le projet d’implantation d’un circuit de F1 au cœur des Yvelines. Dans les starting-blocks depuis septembre 2008, le conseil général a pris le départ d’une course qui s’avère plus agitée que prévue. Visant à accueillir le Grand Prix de France dès 2011, le site yvelinois a recueilli le soutien des plus hautes instances politiques et d’anciens champions français de F1. Mais de nombreux riverains et associations ne sont guère enthousiastes à l’idée de voir s’implanter ce circuit automobile, avec son lot de pollutions et de nuisances. Ils ont déjà déposé plusieurs recours. « Nous avons reçu beaucoup de soutien de la part de la population, et ce au-delà des clivages habituels, indique Hélène Danel, coordinatrice du collectif Flins sans F1. Cela prouve l’aberration économique et écologique de ce projet. »

Illustration - Flins ne roule pas pour la F1

Un projet de haute qualité environnementale, selon le conseil général.
Verdy/AFP

Le site devait être implanté près de Versailles, mais « le candidat UMP qui soutenait le projet n’a pas été élu » , explique Hélène Danel, qui y voit le refus des riverains d’accueillir un tel circuit. « Le conseil général s’est donc reporté sur le village d’en face. » En catimini, le président du département, Pierre Bédier, décide de soumettre cet autre projet de circuit à la Fédération française de Formule 1. Il ne prévient les conseillers généraux que la veille du dépôt de candidature. Le projet yvelinois, « qui mêle industrie, recherche, formation, tourisme et loisir » , prévoit de construire une piste de F1 sur les communes de Flins-sur-Seine et des Mureaux. Entre 122 et 150 millions d’euros seraient prélevés sur l’argent des contribuables pour le circuit seul, auxquels il faut ajouter divers aménagements pour l’accueil du public. « Cette installation ne rendra même pas service à la population locale » , s’insurge le collectif Flins sans F1.

« Le terrain n’est pas du tout propice à cette construction, puisque le circuit se situera en zone inondable, où il est interdit de réaliser des remblais », poursuit Hélène Danel. Des caractéristiques qui interdisent toute construction. Le service presse du projet assure néanmoins que « la piste ne sera pas installée sur la partie inondable du terrain ». Autre sujet d’inquiétude pour les membres du collectif : la présence sur les lieux d’une nappe phréatique alimentant l’un des plus grands captages d’eau potable d’Île-de-France. « Nous craignons une pollution de celle-ci » , avertit Flins sans F1. Enfin, les terrains préemptés par le conseil général pour le circuit devaient à l’origine accueillir un projet d’agriculture biologique regroupant trois exploitants, une ferme pédagogique, des jardins familiaux… « La présence d’une ancienne décharge, de terres sablonneuses, nécessitant plus d’arrosage, et la proximité avec l’A13 » prouvent, selon le conseil général, que ce lieu se révèle peu adapté pour un tel espace bio.
Oui, mais, curieusement, la chargée de presse du projet de circuit, Adélaïde Gérard, précise que cette initiative de développement durable « ne sera pas abandonnée. Les deux maraîchers resteront à côté du circuit, et Pierre Bédier négocie avec le céréalier pour lui trouver un terrain à proximité » . Un leurre, pour Hélène Danel, qui se demande comment ces agriculteurs installés à côté d’une piste automobile pourront obtenir un label de qualité. Si le circuit de F1 sort de terre, le projet bio tombe à l’eau.

La piste est perçue comme « un projet de haute qualité environnementale » par le conseil général, « une aberration écologique » par Flins sans F1. Pollution atmosphérique, pollution sonore et atteinte à la qualité de vie menacent : « On va ajouter de la congestion à celle de l’A13, avec un parking de 15 000 places prévu », précise Hélène Danel. « Tous les flashes seront braqués sur nous, nous n’allons pas nous tirer une balle dans le pied en polluant, rétorque Adélaïde Gerard. Si on suit les arguments de Flins sans F1, il faudrait aussi fermer l’A13, souvent bouchée, et l’usine Renault située sur la nappe phréatique. » Le circuit aurait incité Renault à créer dans son usine de Flins un futur centre de recherche et développement sur les véhicules électriques. Pourtant, les syndicats de Renault considèrent, comme le collectif, que « l’entreprise n’a pas besoin d’un circuit sale pour faire des voitures propres ».

Entre crise économique et crise climatique, le conseil général a choisi : « Sauver des emplois est plus important. » « De nombreuses entreprises doivent s’installer à proximité du circuit » , argumente encore Adélaïde Gérard. L’objectif reste bien de pérenniser la grande vallée yvelinoise de l’automobile, grâce à la création d’emplois et au maintien de ceux existant. Renault et Peugeot se seraient ainsi engagés auprès des instances départementales à conserver sur place leurs activités, en cas de création du circuit. Les promoteurs du projet tablent sur 5 000 nouveaux emplois et des retombées économiques conséquentes d’environ « 63 millions d’euros en deux jours de course » . « Cela créera des emplois dans le BTP, mais il n’y aura pas grand-chose par la suite, réplique Hélène Danel. Ce circuit ne servira pas de piste d’essai pour les voitures de M. Tout-le-monde. Renault a déjà ses infrastructures à Guyancourt. » Un tel projet demeure pour ses opposants « une aberration économique » , alors que le sport automobile rencontre des difficultés financières : Honda arrête la compétition, Renault et Williams viennent de perdre leurs sponsors, et certains grands prix sont en faillite.

Ni le collectif ni le conseil général des Yvelines ne comptent abandonner la partie. Dernier rebondissement en date, l’amendement déposé par quatre sénateurs UMP pour permettre « l’autorisation expresse d’un circuit de F1 en région parisienne » vient d’être retoqué par les parlementaires. « Il s’agissait juste d’un amendement technique pour le choix de l’exploitant et d’un gain de temps par rapport aux démarches administratives. Cela ne bloquera pas le processus » , minimise Adélaïde Gérard.
Selon Flins sans F1, des investissements couplant emplois pérennes et respect de l’environnement peuvent être réalisés, y compris dans l’automobile. Pour le collectif, écologie et économie sont compatibles. Mais sans Formule 1.

Temps de lecture : 6 minutes