Les canards sont-ils enchaînés ?

La presse française souffre d’une crise qui menace la survie de certains titres. En cause : une augmentation des coûts et une chute des ressources publicitaires. Mais aussi une trop grande proximité de certains organes avec le pouvoir. Un dossier à lire dans notre rubrique **Médias** , avec notamment une interview de Jean-François Kahn.

Jean-Claude Renard  • 12 février 2009 abonné·es

On a beau être critique envers « les médias », on ne saurait se réjouir des difficultés d’une presse confrontée aujourd’hui à une crise qui met en péril plusieurs titres. Un journal qui disparaît, c’est toujours une défaite de la démocratie. Or, si les grands titres de notre presse quotidienne survivent encore, c’est peu dire qu’ils vacillent. Une baisse de l’ordre de 4,4 % en valeur est attendue pour le bilan de 2008, selon les Nouvelles Messageries de la presse parisienne. De licenciements en départs volontaires, c’est l’information qui perd en richesse et en qualité. Nous nous penchons cette semaine sur les causes de cette crise. Il en est une qui concerne directement la relation entre le journaliste et son lecteur : la tendance à l’uniformisation de l’information. On ne manque jamais de rappeler à cet égard la distorsion caricaturale entre la presse et l’opinion publique au moment du référendum européen du 29 mai 2005. D’autres exemples pourraient être donnés. À commencer par l’uniformité d’un dogmatisme économique à dominante néolibérale. Mais on pourrait aussi évoquer le traitement des événements du Proche-Orient. Multiplicité des titres ne veut donc pas dire diversité.

Mais cette uniformité n’est pas le fruit du hasard. C’est la conséquence de l’entrée dans la presse d’une oligarchie financière aux intérêts homogènes. Lagardère, Bouygues, Bolloré, Arnault, Pinault possèdent chacun un ou plusieurs titres. Les autres causes de la crise sont plus aisément reconnues : crise de la publicité, crise de la distribution, augmentation du prix du papier, apparition des gratuits. L’idéologie néolibérale attaque la presse sur tous les fronts : par l’uniformité des idées, mais aussi par la privatisation de services publics. Les éditeurs de presse qui négocient les tarifs avec La Poste n’ont plus aujourd’hui en face d’eux un « service public », mais une entreprise soucieuse de sa rentabilité. La « libéralisation » en cours remet ainsi en cause des aides indirectes. Ce qui revient à traiter l’information comme une marchandise comme une autre. Ce qu’elle ne devrait pas être.

Médias
Temps de lecture : 2 minutes