Passé les bornes, y a plus de limites

Sébastien Fontenelle  • 12 mars 2009 abonné·es

Le très admirable porte-parole du LKP, Élie Domota (qui depuis des semaines nous venge des jaunisses métropolitaines), déclare jeudi, après que tout un pan du PBG [^2] a refusé de signer l’accord qui prévoit (notamment) de meilleures conditions de rémunération pour les salarié(e)s de l’île, que ces mauvais joueurs devront, s’ils persistent, quitter la Guadeloupe, et que le LKP, pour ce qui le concerne, n’a aucune intention de laisser « une bande de békés rétablir l’esclavage ». Bien dit, Élie !

La droite régimaire, aussitôt, se dresse sur ses tout petits ergots, et fustige, par les voix d’Yves Jégo et de Manuel Valls (liste non exhaustive), « des propos inacceptables » et «  un dérapage verbal inadmissible ». Puis le parquet de Pointe-à-Pitre, où l’on juge probablement que pusillanimité est mère de sûreté [^3], ouvre une information judiciaire pour « incitation à la haine raciale »  [^4].

Je me livre alors à une expérience amusante : je demande à un gamin de quatre ans et demi, a priori peu sensible aux répugnantes iniquités du néocolonialisme antillais, si, de son point de vue, les propos d’Élie Domota sont le moins du monde racistes.
Foutre non, me répond l’enfant – mais si vraiment tu veux humer l’incommodant fumet de la médiocrité phobique, je te recommande chaudement la toute dernière divagation de l’à peine imaginable Frédéric Lefèbvre, qui est klaxon à l’UMP [^5], et qui a déclaré vendredi que les gens du LKP sont des « tontons macoutes » . (Haute culture, svelte raffinement : tout Lefèbvre est dans cette élégante saillie.)
J’entends bien, dis-je à mon jeune interlocuteur, qui décidément est plus fin que le député-maire d’Évry, mais d’où vient alors que la droite et sa justice serrent si fort les poings ?

Cela vient, me répond cet avisé politologue (dont le prénom n’est pas Pierre-André), de ce que ces pauvres t… De ce que ces braves gens supposent que cette imputation dégueulasse rabotera l’image de marque d’Élie Domota (qui est beaucoup moins abîmée que celle, disons, de Sarkozy). Le grotesque procès en racisme qu’ils essaient de lui intenter pour mieux dissimuler leurs propres manquements est une déclinaison spécialement désolante du chantage à l’antisémitisme – très à la mode ces temps-ci, rappelle-toi le dîner du Crif. Manque de bol : Domota, décidément exemplaire, loin de se laisser prendre à ce minable filet, proclame que « s’il y a convocation » devant un tribunal, le LKP s’en fera une tribune, pour « le grand déballage sur la réalité sociale, historique et culturelle de la société guadeloupéenne en 2009 » . Adoncques : m’est avis qu’au palais de justice de Pointe-à-Pitre, certains doivent commencer à sérieusement baliser, et à (se) demander, chef, comment c’est qu’on referme vite fait la boîte de pandore ?

[^2]: Patronat blanc guadeloupéen.

[^3]: Comme dit le vieux dicton berrichon.

[^4]: Passé les bornes, y a plus de limites : tel est, nous le savons, le cri de ralliement de la République sarkozée.

[^5]: Et qui a le même coiffeur que Luc Ferry.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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