Est-ce ainsi que les roms vivent ?

Jean-Claude Renard  • 23 avril 2009
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Est-ce ainsi que les roms vivent ?

On les apprécie quand ils jouent du violon, synecdoque d’un folklore sympathique. Après, c’est une autre affaire. Ils sont voleurs de poules, sinon d’enfants. Des gueux mendiants exploitant leurs mômes, qui roulent en Mercedes tractant des caravanes. En réalité, les Roms, ces « gens du voyage » dans le politiquement correct, sont surtout en bas de l’échelle de l’exclusion.

Des Roms qui ne sont pas forcément Roumains (même si la Roumanie en recense le plus grand nombre), mais aussi issus des Balkans. Ils ont fui la misère, viennent tenter la chance à l’Ouest. Les voilà relégués dans les terrains vagues, loin d’un centre-ville, à un jet de pierres des villages, et proches des lieux pollués. À peine mieux lotis que leurs grands-parents, considérés comme des parias par les nazis, déportés, stérilisés, exterminés (plus de 250 000 entre 1933 et 1945).

Ils sont entre 400 000 et 500 000 en France. Certains arrivés depuis plusieurs décennies, d’autres récemment, encouragés par l’adhésion, en janvier 2007, de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne et, en principe alors, libres de circuler dans les pays membres. Une pièce d’identité leur suffit (pas besoin d’un titre de séjour).

Persona non grata, tel est plutôt leur statut. Emploi, logement, santé, éducation : toutes les barrières sont dressées contre les Roms. Un décret en donne l’exemple : sitôt après l’adhésion de ces deux pays du bloc de l’Est, en mars 2007, l’État français a pris des dispositions spécifiques pour la reconduite des Roumains et des Bulgares : en dessous de trois mois de séjour en France, le droit de circulation et de séjour est limité à certains cas. Au-delà de trois mois de présence, le droit au séjour est subordonné à un casse-tête kafkaïen : un emploi ou une assurance-maladie et des ressources suffisantes. Ces deux dernières conditions sont instaurées pour ne pas entraîner « une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale français » . Faute de quoi, le Rom est en situation irrégulière. Et expulsable. Il existe aussi des aides au retour « humanitaire ». Elles sont obtenues à la suite de pressions. Elles nourrissent surtout les chiffres chéris de reconduites à la frontière.

En termes de ressources, on s’en doute, le travail est fondamental. Toujours en dépit de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, la France a imposé une période transitoire, courant jusqu’en 2012, soumettant Roumains et Bulgares aux mêmes règles que les ressortissants hors Europe. En attendant, ils doivent donc solliciter une autorisation de travail préalable à toute embauche ; leur employeur (pour un CDI) doit payer une redevance minimale de 190 euros à l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (Anaem) ; ils ne peuvent s’inscrire à l’ANPE sans un titre de séjour. Titre accessible à condition d’avoir… un emploi ! Du coup, ça bricole.

D’autres hypocrisies s’ajoutent en matière sociale, à coups de circulaires auprès des caisses. Contrairement aux autres ressortissants communautaires, ayant droit à la CMU après trois mois de résidence, les Roms roumains et bulgares, selon les départements, sont exclus et renvoyés vers l’aide médicale d’État (AME), ouverte aux personnes résidant en France en situation irrégulière depuis plus de trois mois (par nature, pas facile à prouver). Quant aux minima sociaux, ils sont généralement inaccessibles (faute d’adresse fixe).
Le droit au logement reste le volet le plus manifeste des discriminations. Parce que le plus visible. Ségrégation et ghettoïsation sont légion. Faute de logement, les Roms bâtissent des abris d’infortune. Ni électricité ni eau (stratégie municipale pour les obliger à décaniller). Aucune relève d’ordures. Non sans risques sanitaires. Et ainsi tous les prétextes d’expulsions pour « trouble à l’ordre public » ou « risque d’insalubrité ». C’est carré. Enfin, côté scolarisation, les Roms se heurtent aux difficultés d’inscription. Avec comme prétextes fallacieux les difficultés financières pour les frais de cantine ou de transport scolaire (vu la brinquebale des sites).

Tel est le sort réservé aux Roms. Ostracisme et racisme. Au pays des droits de l’homme, ils trinquent. Les associations, telles la Fondation Abbé-Pierre, Caritas, Médecins du monde ou Romeurope, s’élèvent régulièrement contre ces discriminations. Il n’empêche. La France s’inscrit clairement loin du traité de la Communauté européenne (article 13), qui autorise les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique. Loin de la résolution du Parlement européen du 28 avril 2005, qui demande «  d’arrêter un plan d’action assorti de recommandations claires à l’intention des États membres pour permettre une meilleure intégration économique, sociale et politique des Roms » . Une France inhumaine, hors la loi.

Publié dans le dossier
La cause des Roms
Temps de lecture : 4 minutes
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