Le blocus entrave la reconstruction

À Gaza, Israël a laissé un champ de ruines et des blessés qui continuent de mourir. Les travaux, comme les soins aux humains, sont rendus impossibles par la fermeture des frontières.

Wissam Alhaj  • 16 avril 2009 abonné·es

Pour les médias du monde entier, la guerre a pris fin à Gaza le 17 janvier dernier. Pour les Gazaouis, elle n’en finit pas de faire de nouvelles victimes. Pour eux, la souffrance est toujours là, le nombre de Palestiniens morts des suites de leurs blessures ne cesse de croître. Il faut y ajouter ceux qui ont péri dans des opérations de bombardements aériens et des attaques aux frontières qui ont lieu après la fin de l’opération israélienne. Côté bâtiments et infrastructures, rien ou presque n’a bougé. C’est dans les quartiers où ont eu lieu les attaques terrestres que les destructions sont les plus terribles. Mais c’est aussi parce que ces zones avaient été « préparées » par d’intenses bombardements. À Izbet Abderabo, petit village à côté de Beit Lahya, au nord de la bande de Gaza, il est toujours difficile pour les habitants de reconnaître l’endroit où était située leur maison. Les restes calcinés de l’hôpital du Croissant-Rouge à Tel Al-Hawa, les bâtiments en ruine du quartier voisin, Al-Zeitoun, au sud de Gaza-ville, les restes de ce qui était autrefois le village d’Izbet Abderabo sont comme des témoins de guerre. Des traces qui ne peuvent s’oublier facilement. Un paysage figé par la paralysie politique. Car les frontières sont toujours fermées, faisant plus que jamais de Gaza une immense prison. Depuis le 10 décembre dernier, on ne peut plus faire entrer de pétrole. Seule une petite quantité de gaz et quelques denrées vitales parviennent au compte-gouttes. C’est pour cela que les tunnels, loin d’être uniquement destinés aux armes, sont devenus l’unique moyen de compenser ce manque de carburant et de denrées. Mais cela ne suffit pas à couvrir les besoins immenses de la population. Un grand nombre de tunnels ont été détruits par les bombardements israéliens, ou fermés par les forces de sécurité égyptiennes. Il n’y a d’ailleurs pas que les biens et les marchandises qui sont interdits dans la bande de Gaza, les organisations humanitaires souffrent également du blocus.

Depuis la fin de la guerre, il y a trois mois, on ne parle plus que de la reconstruction. Ce mot n’est pas nouveau dans la bouche des Gazaouis. La bande de Gaza ne cesse de connaître des destructions importantes. Avant décembre dernier, le mot était déjà omniprésent et l’économie, paralysée. La dernière guerre a été le coup fatal, faisant passer la situation de la paralysie totale à la catastrophe humanitaire, mettant la survie d’un million et demi d’habitants en péril. Pour Bassel Al Maqousi, artiste, père de trois enfants, qui a perdu sa maison, la destruction n’est pas le plus grave : « Ce ne sont pas que des murs et du béton que les Israéliens ont rasés, ils ont aussi tué nos souvenirs. C’est la volonté de vivre qu’ils ont cherché à faire disparaître » , explique-t-il. Depuis un mois, Bassel et d’autres artistes organisent des sessions d’animation artistique dans les centres d’hébergement temporaire pour les réfugiés des quartiers détruits au nord de la bande de Gaza. L’Unicef et d’autres organisations internationales actives dans le territoire ont lancé avec des partenaires locaux plusieurs programmes d’urgence de soutien alimentaire, pédagogique et psychosocial aux enfants palestiniens. Mais « la catastrophe est plus profonde que la capacité des efforts déployés. En tant que militants sociaux, nous devons aider les enfants à surmonter leurs traumatismes, alors que nous-mêmes avons besoin d’aide » , avoue Ferial El-Banna, directrice d’un centre social dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au centre de la bande de Gaza.

Mohammed Mahmoud, père de quatre enfants, dont la maison a été détruite partiellement lors de la guerre rapporte : « L’UNRWA nous a promis deux cents dollars d’aide pour réparer notre maison, et cela suffit à peine pour la rendre habitable. Et je ne sais toujours pas quand ils nous donneront cet argent. Et même si l’on obtenait, cet argent, je ne sais pas si je pourrais faire quelque chose, étant donné qu’il n’y a aucun matériau sur le marché. » Autrefois cultivateur de fleurs destinées à l’exportation vers l’Europe, Mohammed Mahmoud est au chômage depuis deux ans. Il conclut en disant que la meilleure chose à faire avec cet argent serait de l’utiliser pour nourrir sa famille, et que la maison pourrait attendre.
Dans son allocution à la conférence de Charm el-Cheikh (Égypte) pour la reconstruction de Gaza, le 18 janvier, la commissaire générale de l’UNRWA, Karen Abou-Zeid, a présenté les demandes des organisations de l’ONU à la communauté internationale. En premier lieu, les aides d’urgence, c’est-à-dire les aides alimentaires, médicales et de logement, estimées à 613 millions de dollars. Puis, sur le moyen terme, dans le cas où les financements fournis seraient suffisants, une deuxième aide permettrait de construire cent nouvelles écoles de l’UNRWA. À Gaza, les écoles ne sont pas assez nombreuses pour accueillir tous les enfants en âge d’être scolarisés, c’est pourquoi l’UNRWA a établi un système divisant la journée en deux demi-journées scolaires. Quant à la reconstruction des habitations, Karen Abou-Zeid a déclaré : « Nous reconstruirons 2 800 ­maisons détruites lors du dernier conflit, et ce, en plus des 1 400 autres maisons détruites lors des conflits précédents, ainsi que 4 000 autres délabrées. »

Si l’on prend le secteur du bâtiment comme illustration des autres secteurs essentiels de la bande de Gaza, on remarque qu’il était déjà en recul depuis le début de la deuxième Intifada. Un recul renforcé par la politique d’étranglement continue par Israël, puis, avec l’embargo total sur la bande de Gaza, depuis l’arrivée du Hamas au pouvoir, en juin 2007. On ne peut plus construire de mur, à cause de l’interdiction de faire rentrer du ciment. Ce secteur important de l’économie palestinienne, considéré comme vital dans le cadre de n’importe quelle opération de reconstruction, est toujours dans l’attente d’une décision du gouvernement israélien pour le faire sortir de son état de mort clinique. Et c’est aussi le cas pour l’ensemble des autres secteurs économiques, même si celui-là est le plus visible.
La reconstruction des infrastructures, des habitations dans la bande de Gaza aura lieu un jour ou un autre. Cependant, qui peut garantir que cela ne sera pas détruit encore une fois ?

D’autant plus que le message adressé aux Palestiniens par les dirigeants du nouveau gouvernement israélien de droite est très clair : pas de solution politique. Ce qui veut dire résistance et nouvelle guerre, dont seule la date est inconnue.

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Gaza, trois mois après
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