Le bon filon

La guerre économique que se livrent les acteurs de l’industrie minière au Congo sont au cœur du passionnant documentaire de Thierry Michel, « Katanga Business ».

Christophe Kantcheff  • 16 avril 2009 abonné·es

Le Katanga est une région de la République démocratique du Congo qui concentre 80 % des sites miniers du pays. Zinc, uranium, cuivre et cobalt en sont extraits à profusion depuis le début du XXe siècle, d’abord sous l’égide du colonisateur belge, aujourd’hui remplacé par des investisseurs internationaux. La demande de l’Inde et de la Chine étant considérable, les cours de ces minerais ont atteint des sommets (avant la toute récente crise financière, qui a fait chuter le beau château de sable précieux). Les profits à en tirer aiguisent de très nombreux appétits, parfois aux dépens de l’État congolais, de toute façon peu présent, mais toujours avec une même constante : la surexploitation de la main-d’œuvre locale.

Voilà posé le sujet du documentaire de Thierry Michel, Katanga Business, qui relève peut-être du genre altermondialiste si, sous cette « étiquette », entrent les films qui ne jugent ni ne dénoncent. Car telle est la manière du cinéaste belge. Quelques informations indispensables en voix off, mais aucun commentaire, et beaucoup de temps passé avec les différents acteurs de l’industrie minière de la région. Thierry Michel les filme expliquant de leur point de vue la situation, ou rencontrant leurs interlocuteurs. Ainsi se dessine une passionnante carte des rapports sociaux (c’est-à-dire de domination), avec à la base ce que l’on nomme par un euphémisme les « creuseurs artisanaux » , en fait des Congolais plus que misérables qui vendent pour rien le produit de leur travail clandestin à des Chinois véreux aux valises bourrées de billets de banque. Et, tout en haut, un propriétaire de mines belge « historique », issu de la colonisation, aux capitaux familiaux. Mais sérieusement concurrencé, avec la mondialisation, par les investisseurs étrangers, en particulier les Chinois, ceux-là, plus institutionnels que les précédents.

Le grand intérêt de Katanga Busines s réside dans le fait qu’il révèle des visages et des individus derrière les rouages anonymes qui contribuent à cette guerre à peine feutrée d’intérêts gigantesques, qui s’abat avec une violence rare sur les travailleurs congolais dès qu’ils revendiquent le moindre salaire décent. Parmi ces individus, un personnage à part, censé faire respecter la loi, le « héros » du film, tant il est charismatique : le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi. Élégant sous son chapeau noir, habile et courageux, cet ancien homme d’affaires semble être véritablement entré en politique pour combattre la corruption et travailler en faveur de l’intérêt général. Il est adulé par les populations. Mais Thierry Michel montre intelligemment quelles sont ses limites. Répétons-le : Katanga Business n’est heureusement pas un film manichéen.

Culture
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