Des pieds sur Terre

Un recueil de poèmes du Libanais Abbas Beydoun sur la douleur.

Christophe Kantcheff  • 7 mai 2009 abonné·es

«Je ne sais pas ce qu’on fait avec deux jambes coupées. » Abbas Beydoun pose des questions qui font rire et pleurer. Qui soulagent autant qu’elles mettent à nu la douleur. Portes de Beyrouth et autres poèmes , qui réunit des extraits de deux recueils parus originellement au Liban, semble traversé de long en large par une plaie. Mais comme chacun sait, une plaie dessine aussi un sourire.

Abbas Beydoun n’est pas spécialement porté sur le lyrisme ni sur le dolorisme. Pourtant, la blessure est le thème récurrent de ses poèmes. Des blessures qui ne sont pas seulement métaphoriques. Les corps sont touchés, souvent aux jambes, aux pieds. Faut-il entendre que le Liban, ou le Moyen-Orient, est un champ de mines ? « Le monde est ainsi maintenant. Un symbole de deux pieds ­coupés. »

Du coup, ça a du mal à marcher. Ça boite. Ça s’effondre. Un des textes s’intitule même « Poème bancal ». Mais ça ne se plaint pas. L’(auto)ironie dont fait preuve l’auteur et la rudesse des images qu’il convoque produisent une énergie, une dynamique, qui permet même l’usage de mots plus ­tendres. « Cœur » ici, « bonheur » là. Mais sans exagérer.

Portes de Beyrouth et autres poèmes offre des visions intranquilles de ce qui reste après l’arrachement, la disparition. C’est aussi un livre qui signale comment la violence se déclenche face à l’hyperviolence : *« Depuis toujours, les guerres proliférantes laissent en nous des bombes qui n’explosent pas. Quand nous entrons dans des colères folles, c’est sans aucun doute sous l’influence de l’une d’entre elles. »
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Culture
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