Travaux pratiques

Denis Sieffert  • 29 octobre 2009 abonné·es

Qu’est-ce que le Grand Paris ? Comme la langue d’Esope, ce peut être la meilleure ou la pire des choses. Adopté en conseil des ministres le 8 octobre, le projet vise plus, pour l’instant, à créer des pôles de compétitivité qu’à installer des lieux de vie. Fort heureusement, comme nous l’explique Patrick Braouezec, le président de la République s’est piégé lui-même en commandant des études à quelques-uns des meilleurs architectes et urbanistes de notre époque. Leurs visions sont infiniment moins pusillanimes que la sienne. Que va-t-il en faire ? Pourra-t-il totalement négliger leurs travaux ? Cela semble d’autant plus difficile que le débat est évidemment devenu politique. Des élus de ce qu’on appelle la banlieue, comme Patrick Braouezec, se sont engagés dans la bataille. Espérons que les régionales leur donneront l’occasion de développer leur conception.

Le débat au demeurant est passionnant, tant il concentre tous les enjeux de société d’une métropole du XXIe siècle. Pour l’heure, le projet de Christian Blanc, le secrétaire d’État au Développement de la Région capitale, l’homme à qui Nicolas Sarkozy a confié le dossier, se résume en une double boucle de métro automatique de 130 kilomètres de long. Son tracé redessinerait, très au large de Paris, les nouvelles frontières de la ville. Il serait lui-même balisé par une quarantaine de gares qui deviendraient le centre d’autant de nouveaux pôles commerciaux, économiques et financiers. De façon symptomatique, l’affaire commencerait par la préemption par l’État (voir à ce sujet l’article de Michel Soudais dans Politis n° 1072) de ces territoires autour des gares. Autant dire qu’une juteuse opération de spéculation immobilière est plus que prévisible. L’affaire Jean Sarkozy n’était qu’une première flèche dans cette bataille.

Mais, au-delà même de cet aspect mercantile, il y a la question de la conception de la ville. Patrick Braouezec pose parfaitement le problème. S’agit-il d’étendre la ville par cercles concentriques à partir d’un noyau (un centre) unique, convoité et bientôt lieu de tous les privilèges sociaux ? Ou bien faut-il inventer de nouveaux centres, de nouveaux cœurs irrigués par des services publics renforcés, et riches en espaces verts, c’est-à-dire à l’exact opposé de la politique actuelle ? Il y a là l’affrontement concret de deux conceptions de société. De l’idéologie aux travaux pratiques.

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