Petits arrangements entre État et patronat

La hausse salariale de 200 euros, la plus symbolique des victoires du LKP en mars dernier, est sérieusement affaiblie par l’offensive des grands patrons, face auxquels l’État a cédé.

Patrick Piro  • 5 novembre 2009 abonné·es

Les T-shirts « Gwadloupéyen doubout ! » parsèment la place de la mairie de Baie-Mahault. Plusieurs centaines de personnes attendent depuis près de deux heures l’arrivée des leaders du LKP et de leurs homologues martiniquais et guyanais, réunis toute la journée en colloque. L’adversaire, c’est l’État français et le grand patronat. Les militants syndicaux se succèdent pour rappeler, en « kréyol », le fait d’armes de la grève générale, fustiger la précarité des « emplois aidés » et dénoncer les menaces sur l’accord du 4 mars.

Notamment la hausse des salaires de 200 euros, obtenue de haute lutte : la moitié payée par l’État (le revenu supplémentaire temporaire d’activité, RSTA), et l’autre par l’employeur pour les entreprises de plus de 100 salariés, ou 50 euros par l’employeur et 25 euros chacun pour les conseils régional et général pour les entreprises de moins de 100 salariés. Les salariés qui reçoivent moins de 1,4 Smic bénéficient pleinement de cette mesure, les autres, partiellement.

L’accord est cosigné par six syndicats patronaux, auxquels il ne manquait que… le Medef et la CGPME, minoritaires en adhérents mais les plus lourds en influence. Alors qu’en un mois l’accord est validé par de centaines d’entreprises, représentant 50 000 salariés (sur 80 000), le Medef obtient début avril l’annulation d’une clause qui obligeait l’employeur à assumer la part des collectivités au bout de douze mois et celle de l’État (le RSTA) au bout de trois ans.

« Un hold-up, fulmine Élie Domota, porte-parole du LKP. En cédant, l’État a créé une discrimination entre les entreprises signataires de l’accord et les autres, les salariés couverts et les autres, qui perdront à terme 150 euros ! Il faut s’attendre à de nouveaux conflits sociaux… » Autre mesquinerie : contrairement aux accords, l’État inclut désormais les primes et accessoires dans le calcul du seuil de 1,4 Smic, ce qui exclut 15 000 personnes du plein effet de la mesure [^2], estime le LKP. « Le gouvernement nous rétorque que l’on ne sait pas si la situation économique permettra aux entreprises de payer d’ici à trois ans ! Je rappelle qu’en 1996 le Smic a augmenté de 20 % d’un coup, sans heurts. Comment ne pas soupçonner une collusion entre l’État et le Medef ? »

[^2]: Le produit intérieur brut par habitant est deux fois moindre en Guadeloupe qu’en métropole.

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