La privatisation sur les rails

Le dépeçage de la SNCF est en cours, et franchira dès janvier une étape importante. Les syndicats se mobilisent contre la mise en cause progressive du service public.

Thierry Brun  • 17 décembre 2009 abonné·es

Le gouvernement a lancé son vaste programme de privatisation de la SNCF. Pas question cette fois-ci de mettre frontalement en cause le statut d’une entreprise publique pour la transformer en opérateur privé, comme dans le cas de La Poste. Trop polémique et, surtout, trop visible. Il s’agit de procéder par petites touches à coups de directives européennes et de « plan fret ». Ainsi, quelques jours avant la menace d’une grève des conducteurs, le week-end des 12 et 13 décembre, le secrétaire d’État aux Transports, Dominique Bussereau, se félicitait à La Rochelle de la création du premier « opérateur ferroviaire de proximité » (OFP), une société anonyme entre les mains de NaviRail Atlantique, actionnaire majoritaire (la SNCF détenant le reste) qui sera spécialisé dans le fret. D’autres étapes comme celle-ci sont envisagées par la direction de la SNCF, notamment la création de filiales par secteurs d’activité, dont il sera possible ensuite d’ouvrir le capital.

Cette privatisation qui ne dit pas son nom a été rendue possible par une loi du 8 décembre relative à l’organisation et la régulation des transports ferroviaires, publiée au Journal officiel le lendemain. Le texte adopté dès le mois de novembre par l’UMP a transposé certaines directives du ­troisième « paquet ferroviaire » européen qui vont modifier en profondeur le transport par le rail. La nouvelle loi facilite, entre autres, la mise en place d’opérateurs ferroviaires de proximité et reflète le choix politique « de subventionner avec de l’argent public des intérêts privés, plutôt que d’inscrire dans les missions de la SNCF le trafic de wagons isolés comme une activité de service public et d’intérêt général » , souligne le syndicat SUD-Rail.

Les services internationaux de voyageurs entrent aussi dans le cadre de la libéralisation ferroviaire et sont désormais ouverts à la concurrence depuis le 13 décembre. Les syndicats attendent une montée en puissance des concurrents, «  du fait que la rentabilité attendue est bien supérieure à celle du fret » , estime la CFTC, qui explique que les TGV, y compris sur les liaisons internationales, sont considérés comme « la vache à lait de la SNCF ». Autre secteur convoité par la concurrence, les trains express régionaux (TER), mais le gouvernement a prudemment reporté cette privatisation après les élections régionales. « Beaucoup de forces poussent pour davantage de concurrence, et des expérimentations dans le transport régional devraient arriver rapidement » , prévoit SUD-Rail.
La privatisation progressive des services ferroviaires de la SNCF passe aussi par l’exigence d’une comptabilité séparée pour la gestion des gares à compter du 1er janvier 2011. Cette mesure prépare à terme la privatisation de la nouvelle branche de la SNCF nommée « gares et connexions », déjà épinglée par l’Autorité de la concurrence le 4 novembre, car jugée insuffisamment « indépendante » des activités concurrentielles de l’entreprise publique. Autre illustration de la privatisation de la SNCF : « Des entreprises privées pourront avoir la qualité de “gestionnaire d’infrastructure” , ajoute SUD-Rail. C’est la voie ouverte à la privatisation de l’infrastructure ferroviaire. » Une Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) sera créée et aura la vocation d’être le « gendarme du rail » . Elle veillera surtout « à ce que les conditions d’accès au réseau ferroviaire n’entravent pas le développement de la concurrence ».

Rien n’est prévu dans la loi, ni dans le « paquet ferroviaire » européen, pour « lutter contre le dumping social » , ironisent les syndicats (CGT, CFDT et Unsa), qui ont mis dans la rue, le 8 décembre, plusieurs milliers de cheminots contre les réorganisations du système ferroviaire français. Les trois syndicats ont aussi envisagé une mobilisation dans toute l’entreprise en janvier.

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