Réussir Mexico par un sursaut démocratique

Damien Demailly  et  Yannick Jadot  • 24 décembre 2009 abonné·es

Les chefs d’État n’auront pas pu cacher longtemps les lacunes coupables de l’accord de Copenhague, qui ne prévoit pas grand-chose sinon des financements immédiats pour les pays les plus pauvres, mais qui risquent d’être ponctionnés sur l’aide au développement existante – à l’image de la contribution française. Accord qui conduit à un réchauffement de plus de 3,5 °C, totalement inacceptable, élaboré par 28 chefs d’État et de gouvernement seulement, dont les plus puissants de la planète n’ont pas eu le courage d’assumer le contenu devant les 165 autres délégations écartées de la négociation, esquivant leur désapprobation, ainsi que celle des ONG, quasiment toutes exclues des deux derniers jours du sommet – ça tombe bien.

Les responsables de l’échec : les États-Unis et la Chine, bien sûr, réticents à un accord juridiquement contraignant. Pour d’autres, dont Sarkozy et Borloo, c’est le processus onusien : avec 193 pays sur un pied d’égalité, on ne peut avancer. La solution est alors simple : une sorte de « G20 climat » qui s’engagerait sur une base volontaire, en mettant de fait l’ONU – et l’Europe – sur la touche.
Certes, prendre des décisions à l’unanimité est très difficile. Des pays producteurs de pétrole, Arabie Saoudite en tête, freinent par tous les moyens la lutte contre le changement climatique. Mais l’unanimité a une valeur fondamentale. Elle permet à chacun d’être entendu, de peser sur le résultat final. Ainsi, dans la dernière nuit de Copenhague, c’est Tuvalu qui nous a rappelé qu’un accord médiocre est inacceptable. Grâce à cette voix, celle des ONG, des journalistes et de quelques autres, l’opinion publique aura pu entendre une « vérité qui dérange » : collectivement, les dirigeants du monde ont échoué à sauver le climat.
Vouloir régler le problème entre quelques pays est dangereux. Ce serait la victoire posthume de George Bush qui militait déjà pour de tels arrangements entre amis. Et puis qu’ont apporté les derniers G8 et G20, sinon des grandes déclarations vides de contenu ?
Ce n’est pas l’ONU qu’il faut mettre en cause, ce sont les égoïsmes nationaux. C’est le manque de courage politique des chefs d’État qui a plombé le processus de négociation onusien. Ils n’ont pas eu la force de faire primer le bien commun sur les intérêts nationaux. Le cas de l’Europe est flagrant. Absente, elle est apparue incapable de porter à Copenhague une ambition d’équité entre pays riches et pauvres, mais bien comme l’addition des intérêts personnels de ses dirigeants, d’abord soucieux d’exister sur la scène internationale. On ne s’improvise pas écologiste, la réalité rattrape toujours l’illusion.

Le sursaut démocratique est notre seule proposition. Mobilisations citoyennes et convergence encore plus étroites des acteurs de la société civile (ONG et syndicats notamment). Mais le face-à-face entre ONG et scientifiques, d’un côté, et dirigeants, de l’autre, ne suffit pas. Les élus doivent jouer un rôle beaucoup plus fort, en particulier ceux issus des collectivités locales et des parlements. Dans les régions, au Parlement européen, nous prendrons très rapidement des initiatives et agirons pour relever d’ici à Mexico le défi climatique, porteur d’espoir, du « bien vivre ensemble », d’emplois et de nouvelles gouvernances démocratiques.

Écologie
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