« On reviendra à une police de proximité»

Ingrid Merckx  • 21 janvier 2010 abonné·es

« Le rugby n’est pas la mission première de la police ! » C’est ce que l’équipe de Jean-Pierre Havrin, chef de la police de Toulouse, s’est pris dans la figure en 2003 après une visite de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. L’équipe toulousaine avait cité ce match de rugby organisé avec des jeunes comme un symbole de réussite : qui dit match dit dialogue. Nicolas Sarkozy, en pleine campagne de tolérance zéro, s’en était servi pour affirmer qu’elle ne faisait pas bien son travail, mauvais chiffres sur la délinquance à l’appui. Écarté de son poste, Jean-Pierre Havrin a rejoint la Fédération sportive de la police française. En 2007, retraité, ce pionnier de la police de proximité a été sollicité par Pierre Cohen (PS) en campagne pour les municipales. Il est aujourd’hui adjoint à la sécurité à la mairie de Toulouse.

Politis : De quelle police avons-nous besoin ?

Jean-Pierre Havrin : Il y a deux formes de police : une police au service de la population et du citoyen, et une police au service de l’État et du pouvoir. C’est cette dernière que nous avons aujourd’hui. Toutes ses missions sont orientées vers ce qui peut satisfaire le préfet et donner de bonnes statistiques. Ce qui ne donne pas une bonne police. Une bonne police est une police humaniste qui cherche à rendre service à la population et à améliorer les conditions de vie des personnes grâce à des commissariats présents dans chaque quartier, et qui se préoccupe du quotidien des habitants loin de la pression des chiffres. Le seul critère pour évaluer cette police doit être le taux de satisfaction de la population.

Les missions de prévention s’opposent-elles aux missions de répression ?

Non. Une police proche de la population peut trouver matière à répression. Mais ce doit être une répression intelligente. Pour cela, la seule condition est une bonne implantation au sein de la population. C’est ce qui permet une répression ciblée, fondée sur de meilleurs renseignements, donc plus efficace. Le rôle de la police n’est pas de stigmatiser tout un quartier mais d’arrêter ceux qui le perturbent grâce à la connaissance qu’elle a du secteur.

Vous êtes un des pionniers de la police de proximité…

C’est une idée que j’ai défendue quand j’étais au cabinet
de Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur de 1997 à 2000. Il en avait accepté le principe, et on l’a développé dans plusieurs endroits, dont le quartier du Mirail, à Toulouse, où les violences ont reculé : – 5 % de faits de délinquance constatés, moins de voitures brûlées, des commerces ouverts, des policiers patrouillant à pied et arrivant même à jouer au rugby avec les jeunes, d’où le gag que l’on sait… La police de proximité a été interrompue. Mais on y reviendra. Angleterre, Canada, Hollande : dans tous les pays où la police est proche de la population, elle n’est pas perçue comme un ennemi.

Le visage de la police dépend-il du pouvoir en place ?

La police d’un pays dépend forcément de qui est au pouvoir.
Il y a trente ans, la sécurité n’avait pas une telle influence sur la politique. Aujourd’hui, elle est devenue un enjeu et un instrument de pouvoir. La police est une force politique coupée de la population. C’est ce qui distingue selon moi une police perçue comme de droite d’une police perçue comme de gauche.

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Quelle police voulons-nous ?
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