Une société debout

L’unité syndicale est maintenue, le social est replacé au centre des débats. Le mouvement organise les prochaines échéances dans la rue et dans les urnes.

Thierry Brun  • 11 novembre 2010 abonné·es
Une société debout
© Photo : Nogier/AFP

Certes, la réforme des retraites n’est pas abrogée, mais après une mobilisation d’une rare ampleur, c’est le sentiment d’un réveil du mouvement social qui prévaut aujourd’hui. L’impression qui domine est celle d’un succès idéologique contre les mensonges du gouvernement et, au total, d’un bilan positif qui laisse les forces intactes. Ce que confirme d’ailleurs la décision de l’intersyndicale, qui en remettra une couche dès le 23 novembre avec une « journée nationale interprofessionnelle de mobilisation par des actions multiformes » . Ainsi en ont décidé lundi soir cinq organisations signataires (CFDT, CGT, FSU, Solidaires et Unsa) sur les sept qui ont participé à l’intersyndicale. FO, qui n’a pas participé à la réunion, revendique toujours un appel à la grève générale, comme le syndicat le réclame depuis le début du mouvement.

L’intersyndicale assure, pour sa part, que « malgré les moyens déployés par le gouvernement pour tenter d’accréditer l’idée que “la page retraite” est tournée, ce sont 1,2 million de salariés qui ont manifesté dans 243 villes [le 6 novembre, NDLR] contre cette réforme des retraites injuste et inefficace » . Et elle reste, malgré les divergences, un front syndical uni face au gouvernement, qui pèsera lors des prochaines négociations prévues fin novembre et en décembre. Les syndicats ont le soutien de l’opinion publique et estiment que les prochaines actions des « organisations territoriales et professionnelles » permettront « la participation du plus grand nombre » .

La mobilisation contre la réforme des retraites a aussi mis en lumière les revendications en matière d’emploi, de salaires, de conditions de travail, d’inégalité entre les femmes et les hommes, de fiscalité et de partage des richesses, souligne l’intersyndicale. « Il y a une responsabilité syndicale à ne pas en rester sur le seul dossier des retraites » , admet Annick Coupé, porte-parole de Solidaires. « On arrive à la fin d’un processus , explique de son côté Laurence Laigo, secrétaire nationale CFDT. C’est par d’autres biais qu’on pourra peser dans le rapport de force avec le gouvernement. » « À la CGT, on a décidé de s’inscrire dans la durée , a lancé la secrétaire confédérale, Nadine Prigent. On ne lâchera pas sur le dossier des retraites parce qu’il reviendra par le biais de la négociation interprofessionnelle sur les retraites complémentaires le 25 novembre. Après, on reparlera de l’indemnisation du chômage et de son financement. Qui paiera les chômeurs qui le resteront jusqu’à 62 ans ? »

Le rendez-vous national du 23 novembre aura lieu deux jours avant le début d’une négociation paritaire sur les complémentaires obligatoires Agirc (cadres) et Arcco (salariés non-cadres), qui devra tenir compte de l’impact de la réforme du régime général. Les sommes distribuées par l’Agirc et l’Arrco représentent 60 % de la pension des cadres et 40 % pour les non-cadres, mais le niveau des pensions ne cesse de baisser. Les syndicats contestent l’affirmation gouvernementale selon laquelle le recul de l’âge du départ à 62 ans va renflouer les complémentaires. Autre enjeu, l’Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF), un dispositif mis en place par l’Agirc et l’Arcco pour financer les départs entre 60 et 65 ans. L’accord maintenant le dispositif arrive à expiration fin décembre.

Les organisations syndicales ont aussi en perspective les prochaines négociations sur la convention d’assurance chômage, prévues en décembre, les accords en vigueur arrivant bientôt à terme. Là aussi, le report de l’âge légal de départ à la retraite va bouleverser l’indemnisation des salariés âgés, et pousser certains vers les minima sociaux si les droits à l’indemnisation ne sont pas prolongés. L’unité dans le conflit sur les retraites servira sans doute de point d’appui pour un nouveau rapport de force que le gouvernement pensait trop vite enterré.

Temps de lecture : 3 minutes