Tous candidats aux érections

Au fil de l’histoire, conquête du pouvoir et conquêtes amoureuses apparaissent inséparables. Du libertinage toléré aux scandales sexuels, petite revue de détails.

Pauline Graulle  • 23 décembre 2010 abonné·es

La « fellation » de Rachida Dati, les « empreintes génitales » de Brice Hortefeux… Ces récents lapsus, irruptions du corps (érotique) dans le très cadenassé discours public, ont levé le voile : sexe et pouvoir sont intimement liés. C’est même un fait historique. Les dessous de la politique regorgent de secrets d’alcôves, de mœurs légères et de scandales tapageurs. Au chapitre des romances supposées véritables, on retiendra la passion entre Cléopâtre et Marc-Antoine ou la brève idylle de Marilyn et Kennedy. Côté fétichistes : Mao Tsé-toung l’obsessionnel des jeunes vierges, ou Kadhafi qui ne voyage jamais sans son infirmière ukrainienne – une « blonde voluptueuse » , précisait, il y a quelques semaines, le site WikiLeaks.

Même Gandhi, le Mahatma abstinent, se serait volontiers laissé « stimuler » pour mieux résister à la tentation des plaisirs terrestres. Une exception. Car les coureurs de jupons sont légion chez les puissants de ce monde. Et, dans ce domaine, la France jouit d’une vraie tradition : Henri IV et ses 54 maîtresses (identifiées), ou Louis XIV, qui, toujours vert à 45 ans, épousa en secret la Maintenon.

Sous la Ve République, pas un chef d’État ne manqua à l’appel du sexe. Giscard le ­tombeur, qui jurait sans rire que, comparé à lui, « Henri IV avait été un enfant de chœur » , Mitterrand l’infidèle, Chirac le rabelaisien surnommé « 3 minutes douche comprise » . Ou encore Sarkozy qui s’est consolé fissa de son chagrin d’amour de début de mandat entre les mains d’une beauté qui n’a rien à envier au tableau de chasse de ces messieurs.

Plus sage en apparence, le général de Gaulle rembarra d’un revers de main les inquisiteurs : « Une liaison ? Je n’ai de liaison qu’avec la France… » Il était surveillé de près par son épouse : « Madame veille sur le Général, mais aussi sur son entourage. Les incartades sont proscrites. La première dame de France ne reçoit pas les divorcés ou les libertins à sa table » , racontent les auteurs de Sexus Politicus  [^2].

Mais, manifestement, conquête du pouvoir et conquêtes féminines sont inséparables. Et des souverains absolus aux républicains convaincus, des conservateurs aux révolutionnaires, le goût de la gaudriole semble la chose du monde la mieux partagée. Quitte à y laisser plus que sa réputation. Si Silvio Berlusconi continue de penser qu’il vaut mieux « avoir la passion des belles femmes qu’être gay » (sic), ses excès de frasques avec de jeunes call-girls finiront par avoir ­raison de la carrière du Cavaliere. En 2008, DSK fut l’objet d’une enquête interne au FMI : il n’aurait pas été insen­sible aux charmes de plusieurs collègues. Voilà qui fait mauvais genre au pays du puritanisme… Scandale parmi les scandales, le « Monicagate » mit un terme définitif à la vie politique de Bill Clinton. Curieux comme tous ces maîtres du monde deviennent en un claquement de doigts les esclaves de leurs pulsions…

Il faut dire qu’aux jeux de l’amour, comme dans le jeu politique, tout est affaire de séduction et de domination. D’intrigues, de passions, d’infidélités et de trahisons. « Power is the ultimate aphrodisiac » , croit savoir Henry Kissinger, ancien conseiller diplomatique de Nixon. De l’autre côté, le besoin de soumission des groupes humains à un chef n’est pas moins une affaire de désir : « L’individu est lié libidinalement au meneur » , écrit Freud dans sa Psychologie des foules. Avec sa fougue légendaire, Dominique de Villepin ne dit pas autre chose : « [La France,] elle a envie qu’on la prenne, ça la démange dans le bassin » , éructa-t-il lors de la dernière campagne présidentielle. Depuis Aristote, nous le savons, l’homme est un « animal politique ». Un animal avant tout.

[^2]: Sexus Politicus, Christrophe Deloire et Christrophe Dubois, Albin Michel, 2006.

Publié dans le dossier
Le corps en politique
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