Des temps nouveaux

La réédition de « Bitches Brew », une œuvre novatrice de Miles Davis.

Denis Constant-Martin  • 6 janvier 2011 abonné·es

Lorsqu’en 1970 parut pour la première fois Bitches Brew de Miles Davis, cet album signala un tournant dans l’évolution du jazz. Il dévoilait l’univers dont le trompettiste rêvait depuis quelques années. En apparence, la nouveauté venait de la composition inhabituelle de l’orchestre et de l’utilisation de l’électronique. En fait, tout était mis au service d’un objectif : renouveler le traitement du temps. Étant allé avec John Coltrane au bout de l’improvisation modale, intéressé par Jimi Hendrix et Frank Zappa, Miles Davis voulait utiliser la richesse du son orchestral pour faire exploser le rythme.

Avec Bitches Brew , il transfigure la mélodie en la fragmentant, émerge ou s’insère librement dans les intrications que tissent les claviers, et joue avec les propositions temporelles qui ­sourdent des deux basses et des deux batteries, un couple rythmique énonçant la pulsation quand l’autre la disperse.
Par la suite, cette nouvelle approche collective du temps ne sera guère reprise dans sa globalité. Weather Report, créé par d’anciens partenaires de Miles Davis, s’y essaiera, Frank Zappa la prolongera à sa manière, et Herbie Hancock (dont on peut suivre le parcours sur un « essentiel » qui regroupe des enregistrements effectués entre 1962 et 2000) naviguera entre l’électronique et le retour au Miles Davis d’avant Bitches Brew . Réécouter aujourd’hui ces faces suscite donc encore des émotions neuves.

Culture
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