Front national : Marine le Pen pire que son père

La nouvelle cheftaine du FN tente de séduire les médias et d’élargir son électorat : analyse d’une stratégie pernicieuse. Gagnée par la lepénisation, l’UMP applique déjà une partie du programme du FN. Marine Le Pen peut s’en prendre aux musulmans : on lui a préparé le terrain.

Michel Soudais  • 13 janvier 2011
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Front national : Marine le Pen pire que son père
© Photo : Lo Presti / AFP

Sauf surprise, Marine Le Pen succédera à son père au terme du 14e congrès du Front national, ce week-end. Soutenue par l’appareil de la formation d’extrême droite et son père, forte aussi de sondages flatteurs, cette députée européenne âgée de 42 ans a incontestablement plus d’atouts que son challenger, Bruno Gollnisch. D’autant que cette compétition inédite pour le leadership du FN, incarné depuis trente-huit ans par l’ancien député poujadiste, réélu à chaque congrès par « acclamation », intervient dans un contexte de regain électoral : laminé aux législatives de 2007 (4,2 %), le FN avait à peine fait mieux aux européennes de 2009 (6,3 %), mais l’année 2010 l’a vu redresser la tête aux régionales (11,4 % au premier tour). Un rebond communément attribué à Marine Le Pen, déjà porte-parole du parti, qui a renforcé sa notoriété. Et contribué à asseoir l’idée que la fille serait une adversaire politique plus coriace que son père.

Enfant de la télé, elle affiche sur le petit écran, depuis ses premières apparitions en 2002, une modération de façade, évitant soigneusement les outrances de Jean-Marie Le Pen. Mais le style n’affecte pas le fond : si son discours économique et social s’écarte de la tradition frontiste pour séduire un électorat plus large, populaire et salarié, elle ne renie rien des fondamentaux de son parti (préférence nationale, rejet de l’immigration, peine de mort).

Et quand, forte du soutien de l’appareil du FN et de son père, elle brandit la République ou la laïcité, deux thèmes qu’elle veut intégrer dans le logiciel du parti, ce n’est pas pour arrimer l’extrême droite aux valeurs républicaines, comme l’a montré sa sortie contre les musulmans. Un amalgame, hélas, autorisé par le discours des tenants du choc des civilisations, qui lui vaut plus de sympathies que de réprobations. Car si Marine est plus dangereuse que son père, c’est qu’elle profite aussi d’un contexte favorable à la montée des peurs et à la recherche de boucs émissaires : chômage massif, remise en cause des protections sociales, creusement des inégalités, absence d’alternatives au capitalisme débridé, affairisme au plus haut niveau de l’État, retour de la tentation xénophobe en Europe, crispations autour de l’islam… Le sarkozysme lui servira-t-il de tremplin ?

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