Mehdi Lahlou : « Les événements de Tunisie sont un encouragement »

Membre du bureau politique du PSU, l’économiste Mehdi Lahlou tire les leçons de la révolution tunisienne pour son pays.

Denis Sieffert  • 27 janvier 2011 abonné·es

Politis : Comment les progressistes marocains ont-ils ressenti les événements de Tunisie ?

Mehdi Lahlou : Ils ont vécu ces événements comme un encouragement. Nous savons à présent que les choses peuvent changer, même lorsque la situation semble bloquée. Certes, nous subissons deux types de pression, d’une part du côté des islamistes, et d’autre part du côté du nouveau parti du roi, le Parti de l’authenticité et du progrès. Mais nous tirons plusieurs leçons majeures de la Tunisie : la première, c’est que le ­peuple peut vaincre la peur ; et qu’une dictature qui paraît très forte peut s’effondrer du jour au lendemain. Nous avons vu qu’un peuple éduqué peut mener à bien une révolution pacifique et humaine. Et qu’une armée du peuple a pu se retourner et précipiter la chute de Ben Ali. Enfin, nous avons constaté qu’au niveau international les grandes puissances peuvent rapidement renier leurs engagements anciens, comme l’a fait la France. La volonté internationale dominante conduit à rechercher le règlement le plus rapide des crises de ce genre pour retrouver le plus vite possible une stabilité. Autant d’éléments qui peuvent permettre le changement.

Mais les différences entre la Tunisie et le Maroc sont importantes…

Bien sûr, les réalités économiques et démographiques sont considérables entre un pays de 10 millions d’habitants et un autre – le Maroc – qui en compte 34 millions. Il y a des différences de maturité. En Tunisie, les femmes et les jeunes ont un niveau d’éducation supérieur. On a parlé d’une « e-révolution ». Au Maroc, le niveau d’équipement Internet n’est pas le même. Parmi les différences, il faut aussi citer, chez nous, une vieille tradition démocratique qui n’existait pas en Tunisie. Nous avons un mouvement associatif extrêmement actif qui exprime les mécontentements sur un plan social ou culturel. Il y a des partis d’opposition, comme le PSU. Il existe donc ce que j’appellerai un « matelas institutionnel » qui est de nature à atténuer les tensions. Le pouvoir a eu aussi l’intelligence de s’ouvrir aux médias internationaux. Ici, on peut lire le Canard enchaîné … J’ajouterai qu’au Maroc le pouvoir est légitimé par le roi et par la religion. Ce qu’on appelle l’opposition islamiste n’est pas une opposition au roi, mais une opposition à la société dans son aspiration à la modernité et à une certaine occidentalisation.

Quelles sont vos revendications principales ?

Nous sommes pour une réforme profonde de la Constitution. À terme, nous pensons à une monarchie sur le modèle espagnol. Le Premier ­ministre doit émaner directement du vote populaire. Nous demandons une réforme fiscale qui assure un meilleur partage des richesses, une séparation entre le politique et le religieux, une justice indépendante. Nous souhaitons que l’État reprenne en main les services sociaux abandonnés au privé, comme les écoles, la santé, l’eau et l’électricité.

Vous considérez-vous comme faisant partie du mouvement altermondialiste ?
Personnellement, oui. Je me rends d’ailleurs à Dakar début février, au Forum social mondial, en tant que président de l’Association pour un contrat mondial de l’Eau (Acme).

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