Ne pas oublier

Sébastien Fontenelle  • 28 avril 2011 abonné·es

Le Journal du dimanche (rires) nous prévient cette semaine [sur la foi d’un sondage Ifop (rires) dont Le Journal du dimanche (rires) nous annonce très tranquillement que ses résultats seront diffusés plus tard, histoire, sans doute, qu’on n’aille pas vérifier tout de suite son niveau de bouffonnerie [^2] ] que la Pen, lestée de sa logorrhée nationale und socialiste, « recueillerait » , si qu’on votait demain pour la présidentielle, « 36 % des voix chez les ouvriers » . Soit : « Plus d’intentions de vote que le PS et l’UMP réunis. »

Pour Olivier Jay, directeur de la rédaction du Journal du dimanche (rires) et renommé Docteur ès vote(s) ouvrier(s), les prolos sont dès lors de grand(e)s malades, et leur « maladie a un nom : la peur » – une « peur se nourrit d’éléments objectifs » , comme, par exemple, « l’explosion des dépenses de vie quotidienne » .

L’intéressant, là, est que ce sont exactement les mêmes grotesques éditocrates, pétri(e)s de mépris de classe, qui depuis des années nous jurent que rien n’est si bouleversant qu’un lever de soleil sur le capitalisme (enfin) mondialisé, et qu’il ne faut surtout pas s’arrêter au négligeable détail que l’effet premier dudit capitalisme est de faire exploser les dépenses de vie quotidienne, et qu’il ne messiérait par conséquent point de faire entrer plus de capitalisme dans « la gauche » (qui est chez ces gens-là l’autre nom du Parti « socialiste »), nonobstant qu’elle en est déjà si pleine, qu’il déborde en laides mais longues coulures gérardcollombistes.

Pour le dire autrement, ce sont exactement les mêmes qui depuis des années nous racontent que rien n’est au fond si beau que le tabassage en règle du salariat par le patronat (et plus généralement du gueux par le nanti), et que la gauche doit renoncer (comme si ce n’était pas déjà fait de très longue date) à défendre les intérêts des ouvriers – mais qui tout d’un coup s’offusquent, quand les ouvriers, moins sots dans la vraie vie que dans un éditorial du directeur de la rédaction du Journal du dimanche (rires), leur signifient qu’ils ont parfaitement compris, merci, que « la gauche » n’avait strictement rien à foutre d’eux, et que par conséquent ils n’ont aucune intention de voter pour le Parti « socialiste », où l’on ne les a que trop pris pour des cons.

Les mecs, en somme, déversent depuis des années des tombereaux de merde dans le ventilateur social, histoire d’ouvrir une large route à la démagogie péniste, et les voilà, quand ils obtiennent enfin ce qu’ils ont de si longue main préparé, qui se mettent à crier beuuurk, les murs sont pleins de merde, dans ce pays, faudrait voir à nous nettoyer tout ça, siouplaît, parce que là c’est vraiment dégueulasse.
Ne pas oublier, dans la France d’après la France d’après, de leur botter sèchement le cul.

[^2]: Mais dont nous pouvons d’ores et déjà supposer qu’il se fonde sur l’avis d’une grosse vingtaine d’ouvriers, qui nous seront bien sûr donnés comme un échantillon méchamment représentatif du prolétariat.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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