Palestine : le père du Théâtre de la liberté Juliano Mer-Khamis assassiné

Un symbole israélo-palestinien est mort, lundi à Jénine. Le fondateur du Théatre de la liberté a été assassiné dans sa voiture par des hommes armés. Politis.fr republie ici un article paru dans notre hebdomadaire en avril 2009 sur ce projet plein d’espoirs et de symboles.

Politis.fr  • 8 avril 2011
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Palestine : le père du Théâtre de la liberté Juliano Mer-Khamis assassiné

Le fondateur du Freedom Theatre de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, a été assassiné le 4 avril devant son établissement. Juliano Mer-Khamis a été touché par une balle en pleine tête dans sa voiture. Il avait 52 ans. Acteur et documentariste, «Juif et Palestinien» d’après ses propres mots, il avait fondé le Théâtre de la liberté en 2006. Retour sur un symbole pour le rapprochement des peuples.

Procession funéraire de Juliano Mer-Khamis, mercredi 6 avril 2011

Les enfants de troupe de Jénine

Paru dans Politis le 2 avril 2009

Au début de cette histoire, que nous avons déjà évoquée dans ce journal, il y a une personnalité exceptionnelle : Arna Mer. Si le Théâtre de la liberté (Freedom Theatre) a été créé en 2006, c’est pour prolonger l’œuvre de cette femme, née en 1929, dans la Palestine sous mandat britannique, emportée par un cancer en 1995. Arna Mer s’est investie dès 1948 dans le combat en faveur de l’égalité des droits et, bien sûr, pour les droits des Palestiniens.

Illustration - Palestine : le père du Théâtre de la liberté Juliano Mer-Khamis assassiné

« Le but est aussi de donner confiance à ces jeunes et de libérer leur créativité. »

C’est en 1988, alors que la plupart des écoles sont fermées pour cause de répression de l’Intifada, qu’elle fonde l’organisation Care and Learning (« Prendre soin et apprendre »). Alors que les femmes palestiniennes mettent en place des programmes d’éducation à domicile, Care and Learning envoie des volontaires à Jénine « armés de papier et de crayons » . L’idée est d’aider les enfants à se libérer de la violence de l’occupation israélienne par la créativité. L’année suivante, Arna crée un centre d’éducation dans le camp de Jénine. En 1993, elle réinvestit le montant de son prix Nobel alternatif de la Paix dans la construction d’une école de théâtre pour les enfants palestiniens. Son aventure est relatée dans le film les Enfants d’Arna, réalisé en 2004 par son fils, Juliano Mer Khamis. Deux ans auparavant, l’école avait été détruite par les chars israéliens.

Mais le projet prend un nouvel essor lorsqu’en 2006 Juliano fonde le Freedom Theatre, véritable ballon d’oxygène pour les jeunes du camp de Jénine, qui constituent la moitié d’une population de 18 000 réfugiés.
Le théâtre comporte divers ateliers (pratique thérapeutique, photo, montage multimédia). Il vient de signer un partenariat avec l’Université arabe américaine de Jénine. En trois ans, de multiples activités culturelles sont venues enrichir le centre, comme récemment une école du cirque. En France, le Freedom Theatre est soutenu notamment par l’association des Amis du Théâtre de la liberté de Jénine, que préside Jean-Guy Greilsamer, ­membre de l’Union juive française pour la paix.

Celui-ci prépare activement la prochaine tournée, qui débute le 20 avril à Toulouse. « Le défi, c’est la qualité , insiste Jean-Guy Greilsamer, l ’exigence artistique est omniprésente, mais le but est aussi de donner confiance à ces jeunes et de libérer leur créativité. » Pour Jean-Guy Greilsamer, il s’agit surtout d’apporter aux jeunes Palestiniens « une forme d’aide concrète en dehors des grandes questions politiques ».
Aller assister aux représentations du Freedom Theatre, c’est donc la garantie d’une soirée de qualité et un acte politique au meilleur sens du mot.

Alain Lormon

→ Soutenez le prochain reportage de Politis.fr en Amérique du Nord, à la rencontre des victimes de l’exploitation des gaz de schiste et des militants opposés à cette technique destructrice.

Monde
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