La stratégie de l’urgence

La FNSEA réclame des investissements faramineux pour assurer l’irrigation et entend présenter la facture de cette saison catastrophique à la solidarité nationale.

Patrick Piro  • 9 juin 2011 abonné·es

Xavier Beulin, président de la FNSEA, martèle sur tous les médias son message d’impérieuse nécessité : « Il faut plus de réserves d’eau en France pour l’agriculture. » L’équivalent de près de 400 millions de mètres cubes (m3) de capacité de stockage. « À chaque sécheresse, c’est le même refrain », dénonce Bernard Rousseau, de FNE. Dans le bassin Adour-Garonne, où les rivières frisent tous les ans la mise à sec, l’agence de l’eau a déjà financé, à 70 %, une multitude de retenues (une multiplication par sept en trente ans) pour soutenir l’irrigation massive dans cette région dédiée au maïs. On envisage désormais des retenues « de substitution » : des trous creusés en plein champ, remplis l’hiver et vidés l’été suivant. « Une fois de plus, on nous promet de faire attention au niveau des nappes et des rivières, supposé haut en saison froide, mais quand on connaît l’efficacité de la police de l’eau…, critique Bernard Rousseau. Et il faudra bien rentabiliser les investissements. »


Afin de maintenir, en toute circonstance, une capacité annuelle d’irrigation proche de 400 millions de m3 en Beauce, Xavier Beulin, grand céréalier du Loiret, prône aussi le rechargement de la nappe par un prélèvement dans la Loire — au moins 100 millions de m3 par an. « À stocker dans une centaine de retenues ou à injecter par des milliers de captages, systèmes délirants qui coûteraient une fortune ! », s’élève Bernard Rousseau.
Autre arme de la stratégie de l’urgence : un impôt sécheresse. Mais le gouvernement freine des quatre fers en cette année préélectorale : levé en 1976, il fut d’autant plus impopulaire que se déroulait une campagne pro-irrigation. Et puis le montant des pertes s’annonce faramineux, plusieurs centaines de millions d’euros. L’État préfère donc faire jouer des « mécanismes de solidarité » : fonds de garantie des calamités agricoles, aides européennes anticipées, prêts bancaires, report de charges sociales, etc. Mais il faut s’attendre au retour de l’épouvantail « impôt sécheresse » à l’automne, quand le montant définitif de l’ardoise sera connu. En toile de fond, la petite musique de la ministre de l’Environnement : il faudrait réduire les prélèvements d’eau de 20 % pour 2020. Inaudible face à la déferlante orchestrée par Xavier Beulin.

Publié dans le dossier
Les profiteurs de la sécheresse
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