Trois cœurs ont fondu à Fukushima

Cuves fissurées, contamination du sol, conséquences pour la vie marine, impact sur la population : l’ampleur de la catastrophe nucléaire japonaise est encore revue à la hausse.

Patrick Piro  • 16 juin 2011 abonné·es

Le spectre Fukushima commence à laisser entrevoir ses contours. Et il est plus sinistre que « prévu » par l’opérateur Tepco, qui n’aura livré, en trois mois, qu’une sous-estimation systématique de l’étendue des dégâts. Dernier aveu en date : les cœurs des réacteurs 1, 2 et 3 ont fondu, c’est admis. Et il s’est formé, sur les fonds des cuves, un magma de combustible et de métal très chaud et hautement radioactif, le corium.

La situation du réacteur 1 est la plus critique. Selon toute évidence, sa cuve n’est plus étanche : les volumes d’eau qui baignent le sol indiquent que les millions de litres déversés pour refroidir le réacteur [^2] se sont échappés par des fissures, entraînant des éléments fortement radioactifs. Le corium pourrait même s’être en partie écoulé pour tomber sur la chape de béton qui supporte le réacteur. Ce magma pourrait-il la percer et entamer une dramatique plongée dans le sol ? Peu probable, jugent les spécialistes : la chape mesure huit mètres d’épaisseur.

Alors que les réacteurs reçoivent chaque jour 500 tonnes d’eau – et pour de longues semaines encore –, le problème de l’évacuation et du traitement de ce liquide devient crucial. 100 000 tonnes d’eau contaminée stagnent sur le site, empêchant les interventions dans les bâtiments. Une course de vitesse est même engagée : avec la saison des pluies qui s’annonce, le ruissellement va accentuer la contamination de l’océan.

Autre aggravation de taille : l’agence de sûreté nucléaire japonaise a doublé son estimation de la pollution radioactive émise dans l’atmosphère ! Alors que des organismes indépendants comme la Criirad s’en alarment depuis des semaines, les autorités s’apprêtent enfin à évacuer 70 000 habitants de plus, dans un rayon de 60 km autour de la centrale, alors qu’elles s’accrochaient depuis le début aux 20 km initiaux…

[^2]: Aucun système de refroidissement en circuit fermé n’a pu à ce jour être rétabli.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Au Chili, sur l’île de Robinson Crusoé, comment la pêche est restée durable
Reportage 19 novembre 2025 abonné·es

Au Chili, sur l’île de Robinson Crusoé, comment la pêche est restée durable

Perdu au milieu du Pacifique à 670 kilomètres des côtes chiliennes, l’archipel mondialement connu pour avoir inspiré le célèbre roman de Daniel Defoe est aussi un bijou de biodiversité marine que ses habitants ont su conserver depuis plus d’un siècle. Au contraire des ressources terrestres, qui se trouvent dans un état alarmant.
Par Marion Esnault
COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »
Carte blanche 17 novembre 2025

COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »

En Équateur, les conséquences sanitaires l’exploitation d’hydrocarbure, qui pollue l’air et les eaux, sont connues depuis des décennies. Leonela Moncayo, 15 ans, mène un combat contre ces torchères avec les Guerrières de l’Amazonie. Témoignage.
Par Patrick Piro
COP des peuples : un mouvement mondial contre les grands barrages
Récit 17 novembre 2025 abonné·es

COP des peuples : un mouvement mondial contre les grands barrages

Organisée à Belém, la rencontre biennale des personnes affectées par les grands barrages a célébré sa structuration à l’échelle mondiale. L’objectif : affronter les nouveaux défis d’une transition énergétique qui, bien souvent, ne fait pas plus cas des populations qu’auparavant.
Par Patrick Piro
Devant une usine de pesticides BASF, paysans, malades et médecins dénoncent « une guerre chimique »
Reportage 17 novembre 2025 abonné·es

Devant une usine de pesticides BASF, paysans, malades et médecins dénoncent « une guerre chimique »

À Saint-Aubin-lès-Elbeuf en Seine-Maritime, une action d’infiltration a été menée ce 17 novembre dans une unité du géant industriel allemand, pour dénoncer la fabrication de produits interdits en Europe, tel le fipronil.
Par Maxime Sirvins