Algues vertes : pas touche à mon cheptel

Les décrets censés limiter
la pollution risquent au contraire de l’aggraver.

Patrick Piro  et  Jeanne Portal  • 7 juillet 2011 abonné·es

La chaleur estivale fait exploser la production d’algues vertes sur les côtes bretonnes : déjà 20 000 m3 collectées au 15 juin, 50 % de plus qu’en 2010. Les ministères de l’Écologie et de l’Agriculture ont soumis à consultation publique, le 24 juin, quatre projets de décret pour protéger les eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole, cause principale de ce fléau écologique. L’élevage des porcins, dont la région concentre 50 % du cheptel français pour 7 % des terres agricoles, est depuis longtemps le principal accusé.

Un rapport du Conseil économique, social et environnemental de Bretagne (Ceseb), de mai 2011, dresse un bilan préoccupant : les bassins versants bretons déversent un flux moyen d’azote (constituant des nitrates) de 25 kg par hectare et par an – il ne devrait pas dépasser 10 kg/ha/an pour limiter les dégâts environnementaux, explique le Ceseb. « C’est le résultat d’une logique productiviste qui favorise l’extension des porcheries… Plus on est gros, plus on est compétitif, et plus on pollue », résume Lionel Vilain, conseiller technique à France nature environnement (FNE).

S’agit-il d’esquiver le problème principal ? L’un des textes touche les bovins (30 % de la production nationale) : un éleveur qui ferait le choix de races laitières très productives disposerait de plafonds de production d’azote plus élevés (à production égale, la diminution du nombre d’animaux abaisse la pollution). « Une des petites avancées , convient Lionel Vilain, mais elles sont ­ridicules et insuffisantes. » En effet, une disposition conjointe favorise les élevages hors-sol, nourris au maïs et au soja importé, d’un mauvais bilan carbone pour un impact douteux sur la production azotée. « Le lobby agroalimentaire exerce une pression extraordinaire en Bretagne , poursuit l’expert de FNE. Les élus savent que le problème numéro un est la concentration des cheptels, mais pas question d’y toucher, et l’administration locale est terrorisée ! »

Un tour de passe-passe fait bondir les associations. Alors que le déversement d’azote organique est plafonné à 170 g par hectare de surface « épandable », les agriculteurs pourraient désormais inclure, dans le calcul, des superficies jusque-là écartées en raison de la déclivité du terrain, de la proximité des habitations ou des points d’eau : porte ouverte à une augmentation des déversements, voire de la taille des élevages !

La France a déjà subi plusieurs contentieux européens pour périodes d’interdiction d’épandage insuffisantes, sous-évaluation des quantités d’azote rejetées par les animaux, prise en compte insuffisante des conditions locales, etc. On doute fort que Bruxelles juge satisfaisants ces projets de décrets, pourtant supposés répondre à ses attentes.

Écologie
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