Le prix de la colonisation

Les importantes manifestations qui se poursuivent en Israël depuis le 6 août posent implicitement la question de l’occupation des territoires.

Anne Solesne Tavernier  • 1 septembre 2011 abonné·es
Le prix de la colonisation
© Photo: AFP / Gharabli

Derrière la mobilisation des Indignés israéliens pour protester contre la flambée des prix du logement et du coût de la vie en général, se trouve la question du poids des colonies dans l’économie israélienne.

Depuis près de quarante-quatre ans, l’occupation des territoires palestiniens pèse lourd sur le budget de l’État hébreu. Avec des conséquences directes sur le manque de logements abordables. Le gouvernement israélien donne la priorité aux habitants des colonies, conséquence d’une politique qui favorise l’occupation et la poursuite de la colonisation au détriment de la protection des intérêts de la population d’Israël elle-même. Aujourd’hui, un Israélien sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. En cinq ans, les prix du logement ont augmenté de 63 %.

Alors que le gouvernement a récemment donné son feu vert à la construction de nouveaux logements dans les colonies de Cisjordanie, la construction d’habitations en Israël demeure très insuffisante.


Selon le mouvement La Paix maintenant, le gouvernement israélien utiliserait près de 15 % de son budget « construction publique » pour la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, bien que cette dernière n’abrite que 4 % des citoyens israéliens.

Israël dépenserait deux fois plus pour un colon que pour n’importe quel autre Israélien. En outre, pour encourager toujours plus de Juifs à s’installer dans les colonies, l’État distribue des subventions pour la construction et l’achat de logements. Les colons bénéficient en masse de services quasi gratuits, de prêts à taux préférentiels, et des nombreux investissements gouvernementaux dans les secteurs de l’éducation ou de l’assurance-maladie… Secteurs pour lesquels les Indignés réclament justement plus de ressources publiques.


Selon La Paix maintenant, si l’on additionne le coût de la construction, de la protection et du maintien des colonies avec celui que représente chaque colon pour l’État israélien, on aboutirait à un total de près d’un milliard de dollars par an. Le coût annuel du maintien du contrôle sur les territoires palestiniens représenterait plus de 700 millions de dollars.


Au total, ce sont 17 milliards de dollars qui seraient passés dans la colonisation des territoires palestiniens depuis le début, en 1967, sans compter les dépenses liées aux ressources militaires déployées pour protéger les colonies.


Dans la proposition pour le budget 2011, le ministère de la Défense prévoit d’allouer la somme de 238,435 millions de shekels (environ 65,757 millions de dollars) à la coordination de différentes activités dans les Territoires occupés, et 790 millions (environ 217,871 millions de dollars) pour la poursuite de la construction et la maintenance du mur de séparation (chiffres La Paix maintenant).


La question du budget de la Défense est également soulevée par les manifestants. Il pèse environ 13 milliards de dollars, soit 7 % du PIB, et représente 20 % du budget de l’État ! Certes, le coût de la colonisation n’est pas directement abordé par les Indignés, par crainte de diviser leur mouvement. Celui-ci réunit Juifs et Arabes israéliens, et veut rester en dehors de la politique et des clivages gauche/droite, ou anti/pro-colonisation.


Ces manifestations permettent toutefois aux Arabes israéliens de faire entendre leurs revendications. Représentant 20 % de la population (1,2 million d’habitants), ils demeurent toujours à la périphérie de la société : 45 % d’entre eux se trouvent sous le seuil de la pauvreté, leur niveau d’éducation est très faible, leur taux de chômage extrêmement élevé.


Ce sont quelques tabous de la société israélienne qui sont peu à peu portés sur la place publique. Aujourd’hui implicitement. Et demain ?

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