Ennahda joue au centre

Le parti islamiste multiplie les propos rassurants pour montrer son attachement
à la démocratie, et se concentre sur les questions économiques et sociales.

Thierry Bresillon  • 20 octobre 2011 abonné·es

Le parti islamiste Ennahda, après avoir servi pendant vingt ans d’épouvantail pour justifier la restriction des libertés, ne ménage aucun effort pour apparaître comme un parti acquis aux valeurs de la démocratie, se revendiquant de l’exemple de l’AKP turc.

Son programme (dont le résumé est disponible en français) s’ouvre sur une profession de foi démocratique, proclamant que le parti est attaché à la liberté d’expression et à la liberté de croyance. Il a même adopté le principe de la parité hommes/femmes dans les listes de candidats. Il se dit prêt à favoriser l’égalité des chances dans la vie publique et professionnelle, et à respecter la liberté vestimentaire.

L’islam est certes « le référentiel fondamental, modéré en interaction avec l’expérience humaine » , mais ce n’est pas une source ­littérale de droit. Et s’il entend « encourager les médias à défendre l’intégrité de la famille » , ce n’est rien de plus ici que les limitations que veulent imposer les partis ­chrétiens-démocrates conservateurs. Rien que le pluralisme politique ne puisse réguler. Rached Ghannouchi, le leader d’Ennahda, a annoncé qu’il ne toucherait pas à la liberté de consommer de l’alcool dans les zones touristiques.

L’essentiel du programme est consacré aux propositions économiques et sociales, qui ne se démarquent pas fondamentalement de celles des autres partis, et visent à encourager l’investissement dans les régions intérieures, la diversification des partenariats, sans rupture avec l’Union européenne, et l’absorption d’une partie du chômage dans le secteur public. Et s’il préconise le recours plus important aux produits de la finance islamique, dont le ­principe de base peut être résumé dans le partage des gains comme des pertes et l’absence d’anonymat dans l’investissement, cela n’a rien d’une nouveauté.

En fait, pour l’instant, Ennahda veut à tout prix éviter de faire de l’identité une question clivante. « Il y a un vaste courant qui rassemble les islamistes, les démocrates, le centre-gauche autour d’une idée “arabo-musulmane” de la Tunisie, et pour exclure la question identitaire du champ des problèmes , commente Ajmi Ourimi, chargé des affaires culturelles au bureau exécutif du parti. Seuls les extrêmes, salafistes et laïcistes, veulent faire de la surenchère. » Cette stratégie d’intégration dans le jeu démocratique, qui suppose des concessions à la sécularisation, condamne les islamistes à des compromis dans l’exercice du pouvoir.

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