Guerres dans la guerre

Ou comment les protagonistes des conflits moyen-orientaux ont recherché des alliances avec l’Allemagne nazie.

Politis  • 12 janvier 2012 abonné·es

S’il fallait résumer en quelques mots l’histoire du Moyen-Orient pendant la Seconde Guerre mondiale, ce serait par l’adage « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». C’est ce que démontre l’historien Christian Destremau. Aussi bien le putsch du Premier ministre Rashid Ali Al-Gailani en Irak que l’itinéraire sinueux d’un autre Irakien, Nuri Saïd, illustrent cette formule. Aucun de ces deux personnages – et surtout pas le second, longtemps homme de confiance des Britanniques – n’avait d’affinité avec le régime nazi. Mais le sentiment d’être floué par la puissance tutélaire britannique obsédée par le pétrole, et l’incapacité d’obtenir une indépendance pourtant consentie dans les traités ont conduit ces deux hommes à rechercher des alliances avec l’Axe germano-italien.

La guerre mondiale n’a évidemment pas interrompu les conflits régionaux. On le crut pourtant du côté du Royaume-Uni. Le ministre des Colonies, Malcolm MacDonald, s’efforça de neutraliser les forces arabes. Alors que le Premier ministre, Neville Chamberlain, prononçait cette phrase terrible : « Si nous devons faire du tort à l’une des parties, il vaut mieux que cela soit les Juifs plutôt que les Arabes. »

Il n’y avait là aucun rapprochement idéologique avec les Arabes, mais un calcul cynique : les Juifs, menacés d’extermination en Europe, seraient déjà assez heureux de pouvoir profiter d’une protection au Proche-Orient sans, en plus, prétendre à une quelconque revendication nationale. Même Winston Churchill, ardemment sioniste, se résigna à admettre la politique du Livre blanc qui limitait de façon drastique l’émigration juive vers la Palestine.

L’auteur passe trop vite sur les contacts pris par certains dirigeants sionistes avec les dirigeants nazis (l’affaire est évoquée dans l’ouvrage de référence de Marius Schattner, Histoire de la droite israélienne , éd. Complexe, 1991). Il s’étend en revanche sur la personnalité de deux personnages en proie à des errements tactiques ou idéologiques. L’Irakien Nuri Saïd, déjà cité, et surtout le mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, que l’idéologie autant que l’opportunisme conduisirent jusqu’à Berlin, en novembre 1941, où il fit des offres de service à Hitler.

Mais Christian Destremau, ne suit pas la propagande sioniste qui a voulu faire du mufti le symbole d’un antisémitisme arabe ou musulman. Au contraire, « les Arabes, conclut-il, ont fait le bon choix durant la guerre » . Conclusion qui rejoint celle d’un autre ouvrage de référence, les Arabes et la Shoah , de Gilbert Achcar (Sindbad, 2009).

Au-delà de la question palestinienne, Destremau nous fait entrevoir la façon dont se dessinent au cours de cette période des relations durables, notamment entre les États-Unis et le royaume des Saoud, et l’importance grandissante du pétrole.

Idées
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