Qui est malveillant ?

Mouvement social chez Prisma Presse,
qui veut vendre son pôle télé à son concurrent Lagardère.

Jean-Claude Renard  • 16 février 2012 abonné·es

Une anecdote cocasse d’abord. Aux allures de piraterie. Dans le numéro 212 du quinzo­madaire Télé 2 semaines, à la page 73, consacrée aux programmes du 14 février sur Arte, à 20 h 35, est annoncé un magazine sur les rapports entre la France et Allemagne, « les piliers de l’Europe. Pourtant ces États s’opposent sur de nombreux sujets et leurs dirigeants, Nicolas Sarkozy (dehors !) et Angela Merkel, multiplient les rencontres pour résoudre le problème de la dette. Pour décrypter cette situation, les journalistes proposent un débat et des reportages. »

Stupeur (et tremblements) à la rédaction quand le magazine est sorti de l’imprimerie ce mardi 7 février. Qui a bien pu ajouter « dehors ! » à la suite du nom de Sarkozy, au nez et à la barbe de tous les relecteurs, des secrétaires de rédaction, de la fabrication ? Appartenant au groupe Prisma Presse, le magazine n’a pas la réputation d’abriter de coriaces bolcheviks. Ni d’afficher quelque antisarkosysme.

Le groupe s’est aussitôt fendu d’un communiqué, dénonçant « un acte de malveillance délibéré, réalisé en dehors de tous les circuits habituels de relecture et validation des pages du magazine. Prisma Presse et Télé 2 semaines présentent leurs excuses aux lecteurs et au président Nicolas Sarkozy, et se réservent le droit d’engager toute action, y compris judiciaire, contre le ou les auteurs de cet acte délictueux et contraire à la déontologie journalistique » . Aujourd’hui, l’atmosphère est à la ­suspicion et à la méfiance au sein de la rédaction siégeant à Gennevilliers.

Si la direction sait très bien s’excuser, elle ne dit pas dans quel contexte survient cet « acte délictueux » . En effet, c’est un service interne du groupe (Prisma TV) qui fournit les grilles de ses trois magazines télé, Télé Loisirs , Télé 2 semaines et TV Grandes Chaînes . Or, la direction entend externaliser ce service chez son concurrent direct, Plurimédia, filiale de Hachette, propriété de Lagardère. De l’aveu même de la direction, il s’agit de faire des économies. 43 personnes sont concernées par ce projet qui pourrait aboutir à des licenciements. Selon les ­syndicats (CGT, FO, SNJ), Plurimédia ne reprendrait qu’une vingtaine de personnes. « C’est un plan social masqué , observe Jean Tortrat, délégué CGT. On veut se débarrasser des salariés, du matériel. À terme, il est clair que Prisma vise à se débarrasser de tous ses programmes télé papier. » De quoi être inquiet.

Opposés à cette idée d’externalisation, les salariés ont fait grève plusieurs jours en décembre et en janvier. Ils préparent actuellement un contre-projet à présenter à la direction. En attendant d’autres journées de grève agrémentées, pourquoi pas, d’autres actes aussi délictueux que drôles ?

Médias
Temps de lecture : 2 minutes