À flux détendu

Christophe Kantcheff  • 26 avril 2012 abonné·es

« Le calembour est la fiente de l’esprit qui vole » , a écrit Victor Hugo. Un mot passé à la postérité. Mais, comme beaucoup d’aphorismes, il n’est pas forcément juste. Certains calembours, et plus largement certains jeux de mots, se hissent au rang de véritables trouvailles. Des auteurs jouent aussi parfois du second degré en plaçant çà et là des jeux de mots faciles (ou laids), qui, du coup, résonnent littéralement mais introduisent aussi un décalage dans la langue.

L’émission dominicale « Les Papous dans la tête », sur France Culture, est un des hauts lieux du jeu de mots, du calembour et des exercices à contrainte. Elle est animée par Françoise Treussard, entourée d’une petite troupe d’écrivains qui, dans l’esprit de l’Oulipo, planchent sur des épreuves diverses, « les bouts rimés », « le clavecin bien trempé ou jeu des homophonies approximatives », « la textée »…

Ces écrivains font incontestablement preuve de talent. Mais, devant chaque semaine produire leur lot de calembours, ils ne peuvent éviter le déchet. En outre, l’émission flirte trop souvent avec la gratuité, les mots brillamment travaillés éclatant comme des bulles, en apesanteur. Le formalisme n’est pourtant pas la vocation des exercices à contrainte. Voir, par exemple, la Disparition , de Georges Perec, livre écrit sans recourir à la lettre « e », tour de force littéraire, sur lequel pèse cependant l’ombre d’Auschwitz.

Enfin, dimanche dernier, il y eut une faute de goût fâcheuse. On s’y gaussa, dans un même mouvement, de Tarkovski, de la Tétralogie de Wagner, et de Claude Simon. Bien sûr, les propos étaient légers et la facétie de mise. Pourtant, une certaine sincérité dans le ton trahissait quelque chose. Un soupçon, un effluve de poujadisme. Un tout petit relent. Dans une émission qui se veut « littéraire » et qui soudain n’était plus vraiment drôle.

Culture
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