Un militant en « garde à vue psychiatrique »

Dix jours d’hospitalisation forcée pour une action de protestation dans la mairie de Loupian (Hérault). C’est le traitement de faveur auquel a eu droit Jean-Pascal, militant écologiste habitué des actions sur le terrain.

Christine Tréguier  • 12 avril 2012
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Un militant en « garde à vue psychiatrique »

Le 26 mars, informé du déclassement de l’unique zone Natura 2000 du village, Jean-Pascal débarque à la mairie vers 18 heures et s’enchaîne à l’aide d’un antivol de moto à la grille qui couvre un puits intérieur. Il demande que le maire renonce à ce déclassement et publie un communiqué de presse. L’action est non-violente, mais le maire socialiste de Loupian n’a pas l’intention d’y passer la nuit. Au journaliste de la presse locale, il expliquera : «   Je craignais qu[e la grille] cède, j’ai appelé la gendarmerie.   » Aux dires des gendarmes, le militant aurait menacé, si le maire ne s’exécutait pas, de se jeter du haut d’une terrasse. Ils font donc venir le médecin des pompiers, qui ordonne son hospitalisation sous contrainte. Le maire n’a plus qu’à signer l’arrêté et Jean-Pascal se retrouve entravé sur un brancard, direction l’hôpital psychiatrique de La Colombière. Il va y passer 8 jours, dont 72 heures à l’isolement dans une chambre, shooté aux barbituriques sans son consentement. Contrairement à ce que dit la version officielle, Jean-Pascal affirme ne jamais avoir parlé de suicide, et, de plus, pour le décrocher du puits, ils sont montés à cinq sur la fameuse grille.

Pour se débarrasser du gêneur, le maire s’est appuyé sur la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Ce texte très contesté, contre lequel s’est mobilisé le collectif « Mais c’est un homme », prévoit deux motifs permettant à un représentant de l’État de procéder à une hospitalisation contrainte : « un péril imminent pour la santé de la personne » ou des troubles mentaux « qui compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public ». Le maire a recours au premier, le préfet au second, qui serait attesté par « des propos désobligeants et insultants » et le fait qu’il s’était « cadenassé à une grille de protection de la mairie » . On est bien loin du dramatique fait divers – un étudiant poignardé par un malade échappé de l’hôpital – qui avait motivé la promulgation de cette loi de circonstance. 

L’histoire de Jean-Pascal est symptomatique de ce que redoutaient les opposants, et elle n’est pas la seule. « Les cas se multiplient , déplore Benjamin Deceuninck, délégué régional de la Ligue des droits de l’homme. On assiste à la psychiatrisation de la contestation. Il y a le cas d’Alain Paya, un berger marginal, hospitalisé depuis plusieurs mois. Il y a aussi des SDF, et récemment deux types saouls qui, au lieu d’aller en cellule de dégrisement, se sont retrouvés en garde à vue psychiatrique » . La psychiatrie devient un moyen de répression supplémentaire. Il suffit d’un médecin complaisant pour rédiger le certificat, et la loi ne prévoit aucune procédure contradictoire. Pour le collectif « Mais c’est un homme », ce pouvoir d’internement est « une survivance archaïque au regard des législations de nombreux autres pays européens » , qui porte gravement atteinte aux libertés et aux droits sociaux.

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