Ados sous les verrous

Exposition de photos d’Amnesty International, avec notamment le travail de Lizzie Sadin sur les prisons pour mineurs. Témoignage.

Clémence Glon  • 10 mai 2012 abonné·es

Un couloir à ciel ouvert ou presque. À ceci près qu’au-dessus du gamin accroupi faisant sa lessive les nuages sont biffés de barreaux. La photo est prise dans une prison pour mineurs de New Delhi.
Huit ans durant, Lizzie Sadin a parcouru le monde et les méandres administratifs pour pénétrer dans les lieux d’enfermement destinés aux adolescents. Elle en revient avec une série d’images prises entre les murs des établissements pénitentiaires de onze pays, de la Russie aux États-Unis en passant par la France. Ce travail acharné a été achevé en 2007. Amnesty International a sélectionné certaines de ses photos pour l’exposition Droits de regards : 50 ans de combats pour les droits humains, à la galerie Fait & Cause jusqu’au 2 juin.

La photographe souhaitait des images de différents continents, de régions aux caractéristiques géopolitiques variées. En Russie, où elle a visité trois prisons après quatorze mois de démarches, il lui a fallu payer. « J’ai fini par accepter. J’ai donné 250 euros par prison. Cet argent a permis d’offrir des feuilles de papier et du dentifrice aux détenus », précise Lizzie Sadin. Ensuite, le directeur lui a donné une heure et demie montre en main pendant laquelle elle a capté le manque d’hygiène, l’ennui et la surpopulation de la toute jeune population carcérale.
En France, Lizzie Sadin n’a eu accès qu’à Fleury-Mérogis. Elle avait pourtant multiplié les demandes. « C’est la plus clean des prisons du pays, la plus aseptisée. »

La violence la plus dure n’est pas la plus visible, selon la photographe. « À Madagascar, la pauvreté du pays fait des prisons des lieux d’abandon total. J’ai vu 131 détenus vivre dans une cellule de 35 m2. Les prisons sont infestées de puces, de rats. Le taux de mortalité y est très élevé », poursuit Lizzie Sadin. Mais au moins les détenus se voient et se parlent.
A contrario, au Texas, les cellules individuelles au sol carrelé masquent une profonde déshumanisation. « Les jeunes sont mis au pas psychologiquement. Ils sont cassés volontairement. » À leur arrivée, les nouveaux subissent une « période d’admission » : « Pendant deux jours, les gardiens leur apprennent qui est le patron. Ils leur hurlent dans les oreilles des ordres complètement contradictoires. »

Épreuves physiques intenables, humiliations verbales, les gardiens de ces « boots camps » sont bien souvent des militaires reconvertis. « J’ai parlé aux détenus. Certains critiquent évidemment ces méthodes. Mais d’autres m’ont avoué avoir besoin de cette autorité qui leur fait du bien. Rien n’est simple », sourit tristement Lizzie Sadin.

Qu’importent les méthodes, le résultat est le même. 80 % de récidive chez les moins de 18 ans en France et aux États-Unis. Qu’importe l’endroit, la conclusion ne change pas. « La prison n’est pas une fin en soi. Il vaut mieux penser à une alternative éducative , estime la photographe, ancienne éducatrice. On ne rend pas un jeune plus social dans un lieu asocial ». Derrière son objectif, Lizzie Sadin cherche à lutter contre les clichés.

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