Dette publique : un audit citoyen que le gouvernement devrait examiner

Le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique tient samedi 23 juin à Paris un rassemblement, pour attirer l’attention sur les parties illégitimes de la dette publique. Les explications de Esther Jeffers, membre du conseil scientifique d’Attac.

Thierry Brun  • 22 juin 2012
Partager :
Dette publique : un audit citoyen que le gouvernement devrait examiner

Esther Jeffers, économiste spécialiste de l’économie bancaire et financière, membre du conseil scientifique d’Attac, est engagée dans le mouvement pour un audit citoyen de la dette publique dont l’appel a rassemblé plus de 61 000 signatures. Elle explique les raisons de cette initiative qui fera l’objet de premières assises nationales à Paris le samedi 23 juin.

Bien avant l’audit des finances publiques réalisé à la demande du président de la République, un collectif s’est constitué pour réaliser un audit citoyen de la dette publique. Pourquoi ?

Esther Jeffers : L’idée est que les citoyens puissent juger par eux-mêmes, sur des faits, de la réalité de la dette publique en France. Les citoyens doivent prendre en main cette question, regarder les chiffres et les faits, se demander quelle est l’origine de la crise. De nombreuses associations et organisations se sont lancées dans cette démarche et participent au collectif pour un audit citoyen de la dette publique. En France, cette dynamique a bien fonctionné et n’est pas partisane. Plus de 150 comités locaux pour l’audit citoyen de la dette ont été mis en place et nous avons distribué des documents sur la dette et la fiscalité. Nous avons construit une expertise pour que celle-ci soit utilisée au service de l’éducation populaire et de réunions publiques. Nous avons aussi réalisé des audits dans certaines localités. Des municipalités ont même inscrit cette question de la dette à leur ordre du jour. Des maires ont pris position et proposé une sorte de label venant du collectif pour l’audit citoyen de la dette.  

Vous dénoncez aussi quelques idées reçues…

On nous répète tous les jours que la crise européenne de la dette serait due au fait que les dépenses publiques auraient gonflées parce que les Etats auraient eu une attitude laxiste. Le modèle social serait trop généreux et serait la cause de la crise actuelle. Or, cette idée est mensongère. Prenons l’exemple de l’Irlande, qui était un des pays modèles du point de vue de ce que demandait la Commission européenne. L’Irlande n’avait pas de déficit, voire même était en excédent budgétaire. Pourtant, ce pays, avec l’Espagne, est aujourd’hui au cœur de la tourmente. C’est un démenti cinglant à l’idée que l’Europe serait en crise parce que les dépenses publiques sont trop importantes. Ce n’est pas cela la cause. Il faut chercher en direction de l’attitude des banques, de leur comportement à risque, du sauvetage du secteur financier et des politiques libérales qui sont à la base de la construction européenne.

Vous organisez-vous des assises nationales le samedi 23 juin (voir programme et lieu). Qu’en sortira-t-il ?

Nous mettrons en commun l’expertise acquise lors des travaux des comités locaux d’audit. Nous saurons aussi où nous en sommes. Nous pourrons tirer un bilan de ce qui a été fait. Ces assises permettront de préparer un rapport d’étape et nous verrons dans quelle direction on s’oriente. Le président de la République François Hollande a de son côté demandé à la Cour des comptes un audit des finances publiques. Pour notre part, nous n’avons pas attendu les élections pour commencer cet audit. Nous avons donc écrit à la Cour des comptes ainsi qu’aux ministres responsables pour leur demander que le collectif soit entendu, notamment parce que notre démarche est plus large qu’un audit financier. Les 150 collectifs ont accumulé beaucoup d’expérience et de connaissance sur l’état de la dette y compris dans les collectivités. Pour l’instant, nous n’avons pas eu de réponse du gouvernement. 

Est-ce que le rapport d’étape contiendra des recommandations ?

En l’état actuel, nous n’avons pas prévu de recommandations. Il s’agit plutôt d’un état des lieux de la dette publique, de son évolution, dans les administrations centrales, locales et sociales. Qui détient la dette aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’on en fait ? Comment cela se passe avec les collectivités ? Nous intégrons aussi le fait que le Pacte budgétaire européen, en cours de ratification, contient le contraire de ce que nous préconisons comme politique.

Nous discuterons pour la rentrée de la perspective d’un tribunal de la dette auquel pourraient participer les collectivités locales, les comités locaux et des experts. Nous pourrions à cette occasion demander des comptes aux grandes entreprises du CAC 40 dont l’imposition fiscale est très faible, pour ne pas dire ridicule. Nous pourrions aussi déterminer quelle est la part de la dette pouvant être considérée comme illégitime.

Économie
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Zucman light : « Bolloré ou Arnault pourraient très bien être exonérés de cet impôt »
Entretien 30 octobre 2025

Zucman light : « Bolloré ou Arnault pourraient très bien être exonérés de cet impôt »

Maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux et coresponsable du département d’économie de l’Institut La Boétie, Éric Berr pointe la nécessité de la taxe Zucman et les limites de la version allégée par le Parti socialiste.
Par Lucas Sarafian
Taxe Zucman : le périlleux calcul des socialistes
Budget 30 octobre 2025 abonné·es

Taxe Zucman : le périlleux calcul des socialistes

Jouant la carte de la responsabilité, le PS rêve de faire adopter une mesure alternative à la taxe Zucman. Au risque de s’isoler du reste de la gauche et de perdre le rapport de force face au gouvernement.
Par Lucas Sarafian
Budget : « Le PS est en train de commettre une faute politique très grave »
Entretien 22 octobre 2025 abonné·es

Budget : « Le PS est en train de commettre une faute politique très grave »

Depuis lundi matin en commission, Claire Lejeune, députée insoumise de la septième circonscription de l’Essonne débat du volet recettes du projet de loi de finances 2026. Sans réussir à obtenir d’avancées majeures, alors que les débats en séance commencent vendredi.
Par Pierre Jequier-Zalc
À Paris, la Confédération paysanne en première ligne contre le Mercosur
Reportage 15 octobre 2025 abonné·es

À Paris, la Confédération paysanne en première ligne contre le Mercosur

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté le 14 octobre contre le traité de libre-échange UE-Mercosur, à Paris, à l’appel du syndicat. Un texte qui exercerait une concurrence déloyale pour les agriculteurs français et menacerait la santé et le climat.
Par Vanina Delmas