« Éduc pop » : enfin une reconnaissance ?

En officialisant un ministère de l’Éducation populaire, François Hollande adresse un message au monde associatif.

Clémence Glon  • 28 juin 2012 abonné·es

La bonne volonté ne semble pas manquer, mais l’éducation populaire sera-t-elle véritablement au cœur de la politique du nouveau gouvernement ? En ajoutant au ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative la responsabilité de l’Éducation populaire, François Hollande entre dans une démarche avant tout symbolique. L’« éduc pop » n’avait jamais été inscrite dans le titre d’un ministère. Valérie Fourneyron, ancien médecin du sport et maire de Rouen, devra donc se pencher sur cette éducation qui se fait en dehors des murs de l’école : une instruction civique, citoyenne, politique, sociale menée par près de 430 000 associations en France. Pour son premier discours consacré au sujet, la ministre s’est rendue le mardi 19 juin au lancement de la campagne « Éduc pop en fête » du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep). Face à une assemblée d’acteurs du monde associatif, Valérie Fourneyron s’est engagée à leur donner une place dans la politique du nouveau gouvernement. Soit. Mais comment institutionnaliser un mouvement de pensée qui s’étend des colonies de vacances aux conseils de quartier ?

L’éducation populaire est inconnue d’une bonne part des Français. Une personne sur trois est incapable de définir ce que recoupe cette notion. C’est ce que révèle une enquête réalisée pour les Francas à l’occasion de leur forum « Éduquer pour demain », qui se tiendra à Toulouse du 29 juin au 2 juillet. L’ajout de l’Éducation populaire dans les attributions du ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative n’a pas changé la donne : 72 % des personnes interrogées n’en avaient jamais entendu parler.

Ce manque de connaissance semble essentiellement dû à l’ampleur – et au flou – de ce que l’« éduc pop » englobe. Car, sur la forme, les personnes adhèrent aux actions du mouvement. Par exemple, 90 % des Français estiment que les centres de loisirs ont un rôle important dans l’éducation des enfants. Les valeurs transmises par l’éducation populaire sont aussi largement partagées par le grand public. Neuf Français sur dix jugent important de continuer l’éducation en dehors de l’école et d’assurer une complémentarité à l’éducation familiale.

Pour Didier Jacquemain,* *président des Francas [^2], l’enjeu du nouveau ministère sera de créer un partenariat entre monde politique et associations. « Il faut trouver une forme de relation qui abandonne l’idée de prestation », explique-t-il. L’éducation populaire est trop souvent réduite à une offre d’activités de loisirs à moindre coût pour les jeunes et les adultes. Elle se définit pourtant comme « un pilier de vie démocratique », explique Yves Guerre, délégué national du Théâtre réseau national. Cette association culturelle propose des ateliers de théâtre citoyen qui abordent les sujets du quotidien. « Ce rattachement administratif au sport, à la jeunesse et à la vie associative n’est pas pertinent, poursuit Yves Guerre. Par définition, l’éducation populaire est transversale. » Valérie Fourneyron n’exclut pas d’établir des passerelles entre son ministère et celui de l’Éducation nationale : « Les associations d’éducation populaire ont toute leur place dans une réflexion comme celle menée autour des temps scolaires. » Et pour cause, plus de 50 % du temps éducatif et social des jeunes se déroule en dehors de l’école. Mais l’éducation populaire tient également un rôle important dans le secteur de l’emploi. « L’éduc pop représente un espace socio-économique qui pousse les jeunes à entrer dans l’action », estime Lionel Larqué, de l’association des Petits Débrouillards. Un vivier qui représenterait près de 680 000 emplois, notamment chez les moins de 25 ans.

Au ministère, il est encore trop tôt pour faire des propositions concrètes : « Nous sommes en phase de concertation, nous devons d’abord attendre le rapport de la Cour des comptes », concède Valérie Fourneyron. Faute de pouvoir avancer des mesures qui rassureraient les acteurs, la ministre revient sur la feuille de route de François Hollande. Durant sa campagne, celui-ci s’était engagé à créer un congé d’engagement associatif. Les membres d’associations bénéficieraient ainsi d’une mise en disponibilité au sein de leur entreprise pour se consacrer pleinement à leur activité bénévole. Une mesure saluée par l’ensemble des acteurs de l’éducation populaire. « Beaucoup d’associations souffrent du manque de bénévoles. Les rythmes de vie toujours plus soutenus réduisent le temps accordé à l’engagement et à la politique locale », considère Yves Guerre. Cette position d’attente ne devrait pas se décanter avant l’été : « L’expérience des vacances va nous permettre de progresser sur des questions telles que l’accompagnement des jeunes qui s’orientent dans l’animation. » Sans compter que le sport occupe la place principale d’une administration qui s’est construite autour de lui. Restent aux associatifs la patience et la philosophie : « Dans tous les cas, ça ne peut pas être pire qu’avant », tranche Yves Guerre.

[^2]: Fédération nationale laïque de structures et d’activités à vocation éducative, sociale et culturelle.

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