L’agroécologie, grand espoir du monde

On peut remplacer l’agriculture chimique et manger mieux. Démonstration sur le terrain, au Sud et au Nord.

Patrick Piro  • 11 octobre 2012 abonné·es

Marie-Monique Robin nous a accoutumés à sa plume « trempée dans la plaie »   : la journaliste et réalisatrice s’est fait une spécialité de la dénonciation des turpitudes de ce monde. Dans son dernier ouvrage, elle monte certes au créneau contre les vilains de l’agriculture chimique et biotechnologique, mais en contrepoint seulement : les Moissons du futur se déroule comme une ode jubilatoire à l’agroécologie, ce monde passionnant des champs dont sont exclus les pesticides, les monocultures, les grosses machines, les OGM, etc.

Au cours des deux dernières années, l’enquêtrice a visité douze pays en quête d’une réponse à une question : une agriculture saine et durable peut-elle s’imposer et remplir la mission fondamentale de nourrir le monde ? Dans la foulée, peut-on clouer le bec à ceux qui colportent l’idée que, sans la chimie, les rendements baisseraient de 40 % (et donc que le monde entrerait en disette…) ? Sa réponse est positive. Pour sa démonstration, l’auteure se concentre sur les expériences à grande portée. L’agroforesterie, qui intègre la culture d’arbres au sein des champs pour leurs apports (ombre, humus, humidité, bois, fruits, etc.), est l’une des « trouvailles » les plus étonnantes des agronomes, qui en ont formalisé le principe (car tout, ou presque, existait déjà chez nos ancêtres…). Au Malawi, la conversion à la culture du maïs sous des « arbres légumineux », qui fertilisent le sol, a convaincu 120 000 familles, qui ont cessé d’avoir faim et dont les revenus ont augmenté. Des dizaines de milliers de petits paysans exploitent un principe similaire dans les jardins-forêts du Bangladesh, dans les communautés rurales du Kenya, du Cameroun ou du Nigéria. Découvrez les jouissives cultures de blé sous noyers de Christian Dupraz, en France. Il serait possible de faire la même chose sur 40 % des terres en Europe.

Ce voyage en agroécologie révèle une fourmilière de techniques plus simples et malignes les unes que les autres, face au bulldozer des technologies conventionnelles : couvert végétal permanent, semi-direct, enfouissement de végétaux verts, fertilisation à la bouse de corne, plantes repoussant ou attirant les ravageurs, etc. D’Allemagne, du Mexique, du Japon, jaillissent des bouffées d’oxygène : les résultats laissent incrédule. Les rendements dépassent fréquemment ceux du conventionnel, les coûts d’exploitation des paysans chutent, sans excès de travail, leurs revenus font un bond. Et il ne s’agit pas de succès exceptionnels. De vastes études de terrain et plusieurs rapports d’agences onusiennes ou d’instituts irréprochables soutiennent la crédibilité d’une véritable transition agronomique mondiale. Cette conclusion optimiste n’est certes qu’une amorce. Mais elle signale que l’emprise de l’agrobusiness commence à se lézarder.

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