À flux détendu

Christophe Kantcheff  • 22 novembre 2012
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Il y a des jours où on se sent seul. Mercredi dernier, par exemple, jour où sont sortis Après Mai d’Olivier Assayas et Rengaine de Rachid Djaïdani. Partout, dans la presse, les deux films sont portés aux nues. Il n’y a personne, parmi mes confrères, pour les voir tels que je les ai vus, avec, à tout le moins, un peu plus de réserve (voir Politis de la semaine dernière à propos de Rengaine ).

Mais là ne s’est pas arrêté mon sentiment d’extrême solitude. Le même jour, non seulement s’exprime dans les journaux l’idée que les prix littéraires se seraient détournés d’un des grands romans de l’automne : “Oh…” , de Philippe Djian (Gallimard, 237 p., 18,50 euros). Mais est rendu public, à la mi-journée, le nom du lauréat du prix Interallié. Et devinez quoi. Son nom : Philippe Djian !

Déjà, fin août, l’auteur de 37°2 le matin avait été l’objet d’articles dithyrambiques et parfois mis en couverture, ce qui n’avait pas manqué d’attirer mon attention sur un livre que de moi-même j’aurais laissé un peu tranquille. Qu’y avait-il dans ce “Oh…” pour transporter les esprits ? À dire vrai, pas plus que cela. Détail savoureux : Djian explique dans les interviews qu’à ses yeux l’intrigue n’a pas tellement d’importance, contrairement à la langue. Or, ce qui de “Oh…” est surtout loué, c’est le scénario. L’histoire de cette femme violée qui ressent à la fois de l’attirance et de la répulsion pour son violeur, qu’elle découvre être son voisin. Pourquoi pas ? Mais quid de la prose de Djian ? Des paragraphes qui passent sans transition d’un sujet à un autre – c’est ébouriffant. Mais pas trop. À dose raisonnable. Il faut rester « lisible ». Une syntaxe plate et un vocabulaire prosaïque – mais n’est pas Carver qui veut. Encore faut-il avoir le sens de l’épure. Enfin, un psychologisme suffocant, que chez Elle (le magazine) on doit trouver d’une authenticité scotchante. “Oh…”, la barbe. Il y a des moments où je préfère rester seul.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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