ND-des-Landes : les failles du projet

Après de nouvelles expulsions, le Premier ministre veut « dialoguer », mais poursuit le chantier.

Lena Bjurström  • 29 novembre 2012 abonné·es

Une « commission du dialogue », c’est la proposition de Jean-Marc Ayrault, samedi 24 novembre, aux opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Au lendemain des tensions provoquées par de nouvelles expulsions sur la ZAD (zone d’aménagement différé pour les uns, zone à défendre pour les autres), le Premier ministre semble vouloir jouer l’apaisement autour d’un dossier devenu très médiatique, et Europe Écologie-Les Verts applaudit ce qui pourrait être une solution à l’ambiguïté de leur position. Pourtant, pas de grand changement en perspective. Jean-Marc Ayrault « réitère l’engagement du gouvernement » dans le projet, mais, puisque « des interrogations subsistent », cette commission sera chargée d’entendre « toutes les parties prenantes ». La question est de savoir si elle entendra les arguments contre un projet dont les failles multiples placent le gouvernement face à ses contradictions. L’une de ces failles, et non la moindre, est d’ordre environnemental. Le futur aéroport du Grand-Ouest devrait en effet s’étendre sur 1 650 hectares, dont 80 % de zones humides. Pour respecter les exigences de la loi sur l’eau, la société promotrice, Vinci, devrait compenser la destruction de ces zones en les recréant au double. Un « dédommagement » qui n’avait jamais été envisagé à cette échelle, si bien que la commission d’enquête constituée dans ce cadre, tout en donnant son aval au projet, demande que les méthodes de compensation environnementale soient validées par un comité scientifique.

Une réserve de taille, que les ministères des Transports, de l’Agriculture et de l’Écologie semblent prendre en compte dans un communiqué commun, annonçant le report des travaux de défrichement (prévus en janvier 2013) jusqu’aux conclusions de ce comité scientifique. Néanmoins, les ministres rappellent, à l’instar de Jean-Marc Ayrault, « la nécessité de poursuivre le déroulement du projet ». Et ce, quelles que soient les conclusions du comité scientifique ? Déclaré d’utilité publique par décret en février 2008, le projet d’aéroport devrait coûter 556 millions d’euros. La société Vinci investirait 315 millions d’euros, se remboursant par l’exploitation de la concession durant cinquante-cinq ans, tandis que les parts de l’État et des collectivités territoriales s’élèveraient respectivement à 125,5 et 115,5 millions d’euros, avec une clause de participation aux résultats d’exploitation. Le coût est important en ces temps d’austérité budgétaire, d’autant qu’il pourrait ne pas être contrebalancé par le « bénéfice » attendu. Si l’étude de déclaration d’utilité publique annonce un retour de 600 à 700 millions d’euros à la collectivité, celle réalisée par le cabinet hollandais CE-Delft en 2011, à la demande notamment du Collectif d’élus doutant de la pertinence du projet (Cedpa), est nettement moins optimiste et alerte sur un risque de déficit de 90 à 600 millions d’euros selon les estimations. Pour un aéroport qualifié d’« inutile » par certains, il pourrait coûter cher. Relancé en 2000, le projet est attaqué sur le fond, alors que le contexte n’est plus le même. Les arguments écologistes ont fait du chemin, et les estimations portant sur le trafic et le nombre de voyageurs ne sont, pour les opposants, plus pertinentes, tout comme les prévisions budgétaires. L’aéroport de Nantes-Atlantique suffirait largement au trafic aérien, et serait même au tiers de ses capacités puisque, d’après le Collectif de pilotes de ligne doutant de la pertinence du projet, sa piste pourrait absorber 35 avions par heure, contre les 10 à 12 à l’heure actuelle. Par ailleurs, selon l’étude du cabinet CE-Delft, il serait plus rentable d’exploiter, voire de modifier, cet aéroport plutôt que de s’engager dans la construction de son remplaçant.

Alors que Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, annonçait cet automne la réévaluation des projets d’infrastructure du Schéma national des infrastructures de transport, établi par l’ancien gouvernement et jugé « incompatible avec l’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques », on s’interroge sur l’intérêt du projet de Notre-Dame-des-Landes. Et c’est avec ce débat, de plus en plus relayé par les médias, que la « commission du dialogue » devra composer. Sans pouvoir envisager l’annulation du projet, l’exercice pourrait être difficile.

Écologie
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