Des solutions contre la crise et l’austérité

Pierre Larrouturou et Michel Rocard interpellent la gauche de gouvernement.

Denis Sieffert  • 31 janvier 2013 abonné·es

C’est peu dire que Pierre Larrouturou est pugnace. Cela fait vingt ans qu’il frappe à toutes les portes avec ses statistiques et une rhétorique à toute épreuve. Il est rocardien quand son mentor de toujours, Michel Rocard, ne l’est plus depuis belle lurette. Il milite pour une solution simple : la réduction du temps de travail. Mais pas les 35 heures, dont il a vite perçu le piège, non, une réduction plus franche : la semaine de quatre jours payés cinq.

Dans son dernier livre, signé avec Michel Rocard, il repart à l’assaut de son moulin préféré : le Parti socialiste. Sous un titre en forme d’avertissement –  La gauche n’a plus droit à l’erreur  – il réitère son diagnostic : la crise n’est pas finie, elle peut durer vingt ans, et aucune des fausses solutions mises en œuvre par les gouvernements occidentaux ne nous en sortira. Comme toujours, la démonstration est implacable. Et la conclusion tout autant : les politiques d’austérité conduisent à la récession et condamnent nos sociétés à un chômage massif. D’où le « dilemme de Roubini », du nom d’un financier américain qui, en 2005, se lamentait : « Damned if you do, damned if you don’t. » On le cite en anglais pour en préserver les accents quasi shakespeariens. Traduction dans la langue de l’économie : il faut stopper les plans de relance pour se désendetter, mais en stoppant les plans de relance, on aggrave l’endettement…

Pour Larrouturou et Rocard, ce cercle vicieux n’en est pas un. Il a un début, il peut donc avoir une fin. Son origine réside dans un capitalisme financier qui a asséché « le revenu de l’ensemble des actifs au profit des seuls actionnaires ». Constat que tous les économistes antilibéraux partagent. Mais l’ouvrage vaut surtout par l’originalité des solutions préconisées. Pour nous en convaincre, les auteurs convoquent leurs alliés historiques de la réduction du temps de travail : Einstein, Ford, Roosevelt, et même Antoine Riboud, longtemps PDG de Danone. Le chapitre le plus politique est peut-être celui consacré aux « limites du modèle Schröder ». Exemple typique de la dérive libérale d’un dirigeant de la gauche européenne. Les dispositions prises pour accroître la compétitivité des entreprises allemandes ont entraîné une dramatique précarisation. Chômage massif en France ou précarité en Allemagne, tel est le choix proposé par les libéraux, qui ne veulent évidemment pas toucher à la rente financière. On en revient à ce que Jérôme Cahuzac, avec une édifiante mauvaise foi, refuse d’appeler la « lutte des classes ». À ceux qui veulent mener le combat, ce livre fournit une foule d’arguments et propose, avec une certaine fraîcheur, des solutions dont la gauche pourrait s’emparer. Si elle le voulait.

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