Visions du monde

Chaque samedi, « Arte reportage » propose ses regards sur la planète. Avec rigueur et sobriété.

Jean-Claude Renard  • 10 janvier 2013 abonné·es

En octobre dernier, on pouvait voir le témoignage au Congo, recueilli par Marlène Rabaud et Arnaud Zajtman, d’un ancien détenu incarcéré dix ans, victime des purges opérées au sein du régime après l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila, en 2001. Durant des mois, avant de s’évader, il avait filmé clandestinement le quotidien de la prison de Kinshasa. Dans un autre numéro d’« Arte reportage », Martin Boudot et Leona Liu livraient une cérémonie qui perdure en Chine. Une cérémonie orchestrée par les agents de l’État, réservée aux dissidents ou aux potentiels dissidents, invités à « boire le thé » au restaurant ou au bureau de police, histoire de les recadrer « amicalement ». Dernier avis avant l’arrestation…

En novembre, toujours dans « Arte reportage », Pascal Carcanade, Laurent Cibien et Marie Semelin se consacraient à la dette des étudiants américains, véritable bulle économique, notamment à Phoenix, en Arizona, siège de la plus importante des universités privées à but lucratif, l’University of Phoenix, accusée de pousser ses étudiants à s’endetter. En décembre, Uri Schneider et Colin Rosin rapportaient des images d’une compagnie aérienne fantôme, la Palestinian Airlines. Inaugurée en 1998, hébergée à Aman, en Jordanie, la compagnie ne possède que deux avions et dispose d’un équipage réduit au minimum, reliant Aman à Al Arish, en Égypte. Elle n’a pas le droit de voler entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, ni d’atterrir dans son pays, tandis qu’Israël s’oppose à la construction d’un aéroport sur le sol palestinien. Une situation tragi-cocasse.

Diffusée chaque samedi autour de 18 h 30, présentée en alternance par Andrea Fies et William Irigoyen, la case « Arte reportage » entend proposer un regard sur les soubresauts du monde. Sans avoir à se parer de l’étiquette « documentaire », et à travers des reportages dont la durée oscille entre 9 et 26 minutes. Une fois par mois, s’ajoute le regard d’un dessinateur de presse ou d’un photographe afin d’évoquer autrement l’actualité internationale. À la réalisation, des journalistes de la rédaction d’Arte, des pigistes, et la collaboration de jeunes maisons de production (Camicas ou What’s up, par exemple). Coût moyen : autour de 38 000 euros pour un 26 minutes. Dans une certaine mesure, on pourrait parler d’un « Dessous des cartes », le fameux magazine de Jean-Christophe Victor, mais, ici, avec des images plutôt qu’avec des cartes. Non moins géopolitique, « Arte reportage » ajoute des rencontres humaines, des portraits croisés, des trajectoires inscrites dans une certaine géographie, à un moment précis.

Des terres souillées, au Japon, dans l’après-Fukushima, aux gamins croupissant dans les orphelinats bulgares, du capitalisme féroce en Corée du Sud aux femmes engagées dans la révolution libyenne, la ligne est éclectique. Et pédagogique. Sans « spectacularisation », mais dans la sobriété et la rigueur. « Notre ligne éditoriale est de ne pas en avoir, confie Marco Nassivera, rédacteur en chef du mag. C’est évidemment à moitié une provocation. On veut surtout éviter le formatage, dans la durée et le ton, et l’obligation de se plier à l’actualité. Notre volonté se tourne principalement vers l’international. Il ne s’agit pas d’aller où les autres ne vont pas, mais où ils vont moins souvent. On a la chance de ne pas être assujettis à la pression de l’audimat. » Les chiffres n’en restent pas moins parlants : en 2012, « Arte reportage » a connu une augmentation de son audience de 29 %. Soit 500 000 téléspectateurs en moyenne.

Créé en 1998 avec une quotidienne de 26 minutes, sans présentateur, « Arte reportage » a connu une mutation en 2004, sous la houlette de Marco Nassivera, avec un rythme hebdomadaire, un présentateur, et un à trois reportages au sein du magazine. Qui, depuis, a porté ses caméras sur le commerce de la soie au Laos, une ferme modèle au Bénin, les femmes victimes de bizutage dans l’armée russe, la traque des clandestins en Malaisie, Pittsburgh à l’heure de l’élection américaine… En attendant, bientôt, le cinquantenaire du traité franco-allemand (incontournable pour la chaîne), les salafistes en Tunisie, et l’Irak vingt ans après.

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