Faut-il avoir peur de la tuberculose ?

Une quinzaine de patients sont soignés pour des formes ultrarésistantes de la maladie. L’analyse de deux praticiens.

Ingrid Merckx  • 28 février 2013 abonné·es

Alors que l’on pensait l’avoir vaincue dans les pays industrialisés, la tuberculose n’a pas totalement disparu. Elle fait même un retour en France sous plusieurs formes. Des cas sont détectés dans des immeubles insalubres, comme celui qui a donné lieu à une large opération de dépistage dans le quartier du Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois en septembre 2011. Et des personnes atteintes sont actuellement traitées dans différents établissements.

« Il existe plusieurs types de tuberculose, explique le chef du département des maladies infectieuses de l’un de ces hôpitaux, qui préfère garder l’anonymat : la tuberculose “classique”, qui se soigne avec un traitement antibiotique efficace en 6 mois environ   *; la tuberculose multirésistante (MDR), qui se soigne avec quatre molécules spécifiques, puis deux, pendant 18*   mois en moyenne   *; et la tuberculose ultrarésistante (XDR), pour laquelle on ne sait pas quelle molécule sera efficace ni au bout de combien de temps. C’est celle-ci qui nous inquiète aujourd’hui en France, où une quinzaine de malades venus d’Europe de l’Est sont traités dans nos hôpitaux. D’abord, parce qu’on est obligé de se livrer à une série de tests fastidieux en utilisant des molécules qui sont toxiques sur une longue période, et dont on ne maîtrise pas les interactions. Ensuite, parce que les patients doivent être hospitalisés en chambre avec sas pendant au moins 6 mois, sans visites. C’est une situation quasi carcérale. »* Or, rien dans le droit français ne permet l’injonction thérapeutique, sauf exception pour certaines pathologies psychiatriques ou certains usagers de drogues. Un tuberculeux XDR qui ne comprend pas bien la situation – parce qu’il n’en mesure pas la gravité ou parle mal le français – peut donc quitter l’hôpital et se soustraire aux soins. Seul le ministre de la Santé peut intervenir sur décret pour raison de santé publique. Mais le temps que sa décision soit appliquée, le patient serait dans la nature. La situation est inédite. « On a toujours rencontré des cas de tuberculoses résistantes, témoigne Élisabeth Bouvet, professeur de pathologie infectieuse à l’hôpital Bichat à Paris. Mais l’incidence augmente. Et la population concernée n’est pas la même. Aujourd’hui, nos patients arrivent d’Ukraine, de Tchétchénie, de Géorgie, où les souches sont devenues ultrarésistantes parce que mal soignées dans des systèmes de santé défaillants. On ne peut pas parler de “filière”, en tout cas pas organisée, mais les personnes sont globalement dans des situations sociales défavorisées, parfois toxicomanes… »

Selon la praticienne, c’est d’abord au niveau mondial qu’il faut s’inquiéter, si le nombre global de XDR se multiplie, d’autant que les médicaments dont nous disposons sont « anciens, peu ou pas efficaces. Il nous en faudrait de nouveaux ». En France, en revanche, pas de panique. Sauf contacts rapprochés, il faut rester en moyenne huit heures dans une pièce close avec un tuberculeux pour risquer une contamination. Autrement dit, la tuberculose, même ultrarésistante, ne s’attrape pas dans le bus. « La population générale n’est pas vraiment en danger, explique Élisabeth Bouvet. Ce sont les personnes qui vivent sous le même toit qu’un malade qui le sont, les autres patients et le personnel hospitalier, mais celui-ci est habitué à prendre des précautions. » Cela dit, comment (et peut-on)interdire à une personne malade d’aller et venir et de voir sa famille   ? « Le problème est d’ordre éthique et sociétal, mais il n’est jamais débattu », déplore Élisabeth Bouvet. Parce que la santé publique se heurte au droit des patients. En outre, le coût de la prise en charge de ces étrangers malades – qui ont droit au séjour pour raison médicale – pourrait susciter des polémiques douteuses. Même si ce coût-là reste dérisoire comparé à celui d’une propagation de l’infection.

Société Santé
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

« Les idées d’extrême droite arrivent à prendre sur des territoires de la Résistance »
Entretien 10 juin 2025 abonné·es

« Les idées d’extrême droite arrivent à prendre sur des territoires de la Résistance »

Alors que des groupuscules d’extrême droite annoncent un rassemblement discret à Châteaubriant, le collectif Réveillons la Résistance organise une contre-mobilisation citoyenne le 14 juin. Entretien avec une de ses militantes.
Par Juliette Heinzlef
Contre-manifestation antifasciste à Montargis : « Si jamais on se tait, tout est perdu »
Reportage 10 juin 2025 abonné·es

Contre-manifestation antifasciste à Montargis : « Si jamais on se tait, tout est perdu »

À Montargis, petite ville du Loiret, le calme habituel a laissé place à un front populaire. Le 9 juin 2025, un cortège de 4 000 personnes a défilé contre la tenue d’un meeting d’extrême droite rassemblant Marine Le Pen, Jordan Bardella, Viktor Orbán et Matteo Salvini.
Par Thomas Lefèvre
Mineurs non accompagnés : après la répression policière, la répression administrative
Justice 7 juin 2025

Mineurs non accompagnés : après la répression policière, la répression administrative

Après l’expulsion de la Gaîté lyrique en mars, 23 jeunes ont reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une répression vivement dénoncée par le collectif des jeunes du parc de Belleville. Vendredi 6 juin avaient lieu les premières audiences au tribunal administratif.
Par Élise Leclercq
Collectif des jeunes de Belleville : deux personnes interpellées suite à une plainte de Némésis
Enquête 7 juin 2025 abonné·es

Collectif des jeunes de Belleville : deux personnes interpellées suite à une plainte de Némésis

Deux hommes ont été placés en garde à vue après des plaintes du collectif fémonationaliste, venues perturber un meeting organisé contre les OQTF. Dix jours après les faits, les témoins dénoncent la coopération entre les militantes d’extrême droite et la police lors des interpellations.
Par Pauline Migevant